Fausse décolonisation française

 
Réunion entre chefs d’Etat français et africains. (Crédits photo : Charles Platiau-Reuters)

Réunion entre chefs d’Etat français et africains. (Crédits photo : Charles Platiau-Reuters)

 

La France est l'une des plus puissantes nations colonisatrices que ce monde ait portées. Commencé dès le XVIème siècle le processus de colonisation a connu deux périodes. La première, débutant au XVIème siècle vit les territoires nord-américains, des Caraïbes et de l'Inde colonisés. Elle s'appela le premier empire colonial. Cet empire survécut trois siècles avant d'être conquis par les Anglais suite à la première guerre mondiale (la guerre de Sept Ans) en 1763 et suite à la défaite napoléonienne de 1815. Mais la France aime s'étendre, elle se créer un second empire colonial qui dure des années 1830 à la célèbre décolonisation post-Seconde Guerre Mondiale (1939-1945), ce dernier comprend en majorité des territoires africains mais aussi indochinois. Ce second empire sera le deuxième empire colonial le plus vaste du monde derrière le géant anglais, rival de toujours. S'étendant sur tous les continents ces empires français comprennent de multiples cultures, ressources, territoires et populations, permettant à la France d'être une des plus puissantes nations que le monde ait connues.

Mais la période colonisatrice prend fin après la Seconde Guerre mondiale où un processus de décolonisation prend effet, les territoires africains et indochinois s'émancipent de la tutelle française de manière douce ou musclée, au terme de nombreuses et coûteuses guerres. Héritiers des anciennes colonies les DOM-TOM appartiennent toujours à la Nation française et lui permettent de revendiquer une large zone exclusive économique, la deuxième plus grande du monde.

Mais la France a-t-elle réellement perdu pied ainsi que toutes ses forces dans ses anciennes colonies ?

De multiples facteurs démontrent au contraire que cette nation possède toujours du pouvoir dans ces territoires et que désirant garder main mise dessus pour servir ses intérêts, la mort de son second empire colonial n'est au fait qu'une fausse décolonisation.

UNE PRÉSENCE MILITAIRE STABILISATRICE

Suite aux multiples conflits d'indépendance ayant eu lieu (Algérie, Indochine...), les forces militaires françaises avaient complètement quitté le sol de leurs anciennes colonies. Leur retour s'est effectué en grande partie du fait de la volonté des anciens pays colonisés. La France est aujourd'hui présente militairement sur toute la surface du globe : des îles lointaines du Pacifique au désert du Sahara jusqu'à la forêt amazonienne l'armée française se doit de protéger les intérêts de son pays. Les forces françaises sont donc autant présentes dans les DOM-TOM que dans des pays étrangers. Mali, Centrafrique, Djibouti, Niger et Tchad, d'anciens territoires français disposent donc toujours de contingents français. Pour certains pays les militaires symbolisent un bouclier contre les menaces extérieures et pour d'autres le symbole représente plutôt la stabilité. Ces forces armées ne sont pas là comme force d'occupation comme l'affirment certains, mais comme forces stabilisatrices pouvant empêcher des conflits et massacres inutiles. Mais il serait naïf de ne pas dire qu'il n'y a aucun intérêt français derrière tout cela. Cette volonté commune est formalisée avec chaque pays par un accord de partenariat en matière de défense. Les militaires français viennent avant tout aider à renforcer les capacités des armées locales à faire face efficacement à de potentielles menaces. L'armée française s'occupe de deux objectifs distincts donc : à Djibouti, au Sénégal et au Gabon ce sont des bases militaires qui permettent de contrôler des endroits stratégiques tels que la Mer Rouge ou le Golfe de Guinée et par conséquent de tenir lieu de forces stabilisatrices. Le second objectif est de faire face directement aux menaces potentielles : l'opération Barkhane se déroulant au Sahel depuis 2014 ou l'opération Épervier depuis 2002 (terminée) ont pour but de lutter directement contre des groupes terroristes ou paramilitaires. Ces opérations se traduisent par l'envoi de forces d'occupation et d'attaque pour repousser les ennemis. Inutile de dire que sans l'arrivée de la France au secours du Mali en 2013 ce pays aurait déjà sombré, conquit par des groupes rebelles islamistes. Au total ce sont environs 10 000 soldats français mobilisés en Afrique.

La présence militaire française se base donc en grande partie sur des accords de défense voulus par les anciens pays colonisés. De manière générale, leur contenu est le suivant : garantie de protection de l’armée française contre un agresseur extérieur ; aide à la répression de mouvements de rébellion ; rétablissement d’une situation interne « périlleuse », les mots stabilité et protection en ressortent. Mais l'armée française sert aussi les intérêts français en protégeant sa population vivant dans les pays anciennement colonisés et en protégeant les entreprises françaises notamment sur le sol africain. Ainsi Total et Bouygues par exemple disposent d'une protection leur permettant de continuer leur développement dans des zones sensibles et de faire des bénéfices, apportant ainsi plus de richesses en France.

LE FRANC CFA, OUTIL DE CONTRÔLE ECONOMIQUE

La présence française dans ses anciennes colonies ne se limite pas au domaine militaire, son économie est liée à celle des pays anciennement colonisés. Une monnaie symbolise ce lien et permet de relier la France à l'Afrique francophone : le franc CFA.

La zone franc d'Afrique et sa monnaie, le franc CFA (aujourd'hui franc de la communauté financière d'Afrique), constituent le dernier vestige du système monétaire colonial au monde. La mise en place progressive de ce système est le résultat de choix hautement stratégiques de la France mettant l’entreprise de colonisation au service des intérêts économiques français et par Français il y a, par extension, les colonies ; les ressources coloniales servant aussi les territoires colonisés français leur permettant de se développer.

La création de la zone franc africaine en 1939 offre le moyen d'effectuer cette stratégie : les échanges avec les pays extérieurs à la zone franc sont restreints, ce qui cimente les nombreux liens économiques et commerciaux entre la France et son empire. La monnaie franc CFA (Colonies Françaises d’Afrique de son ancien nom) est quant à elle créée en 1945, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, afin que la dévaluation du franc français au sortir de la guerre affecte dans une moindre mesure les marchés des possessions africaines de la France alors vulnérables.

Au moment du processus mondial de décolonisation la quasi-totalité des anciennes colonies françaises d’Afrique subsaharienne décide de rester dans le giron de la France en signant des accords de coopération monétaire et en adhérant de ce fait à la zone franc de leur propre volonté.

La zone franc africaine englobe aujourd’hui quinze pays : huit pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo), six pays d’Afrique centrale (Cameroun, République Centrafricaine, Congo-Brazzaville, Gabon, Guinée Equatoriale, Tchad) et les Comores. Les pays d'Afrique de l'ouest adhérent au franc de la communauté financière en Afrique alors que les pays d'Afrique centrale adhèrent au franc de la coopération financière en Afrique centrale. Le Franc CFA englobe donc deux communautés africaines et deux banques centrales.

La France joue un rôle dans ces communautés en conseillant et encadrant en partie les politiques de ces banques. Contrairement à ce que beaucoup pensent, la France ne se livre pas à une activité de pillage africain, profitant de son rôle dans ces communautés, sa représentation au sein des instances des banques centrales a d'ailleurs diminué au cours des dernières décennies. Chaque banque centrale de la zone franc africaine possède un compte d’opérations à l'instance du Trésor public français et doit y déposer une partie conséquente de ses réserves de monnaie. Depuis 2005, 50% des réserves de change se doivent d'être stockées sur le compte d’opérations en France. Ce placement ne semble pas pénaliser les économies de ces pays, au contraire. La France, mettant en pratique sa politique d'aide aux pays africains, verse chaque année plusieurs dizaines de millions d’euros d’intérêts à ces pays au titre de ce placement. Le franc CFA est donc un outil qui cimente les relations économiques entre la France et les pays africains de la zone franc.

Certaines critiques affirment que les pays africains de la zone franc ne sont pas libres de la gestion de leur politique économique et monétaire, domaine constitutif de la souveraineté d’un État. Ces États disposent de ces politiques n'en déplaisent à certains mais peuvent compter sur le soutien et les conseils de la France. Le Franc CFA permet une forme de stabilité et de valeur sûre sur un continent où les monnaies nationales se distinguent par leur faiblesse et leur imprévisibilité. Cette stabilité est l'objectif de la France, les intérêts des anciens pays colonisés africains et du pays des Droits de l'Homme se rejoignant sur beaucoup de points comme le montre la partie précédente sur le domaine militaire.

L'ETAT FRANÇAIS REMPLACE PAR LE DOMAINE PRIVE

Depuis le processus de décolonisation l’État français en tant que Personne Publique est présent dans une moindre mesure dans ses anciennes colonies. Le « vide » ainsi laissé fait que d'autres acteurs entrent en jeu aujourd'hui. Ces acteurs ne font pas parti du domaine public mais sont des entreprises privées (françaises pour beaucoup). Le domaine privé remplaçant l’État français mais permettant toujours de maintenir de solides liens entre le pays européen et les anciennes colonies.

Les entreprises françaises représentent l'essentiel de l'activité économique en Zone franc Africaine, ceci démontrant toujours les liens solides afro-français. Pour 2002 par rapport à l'année précédente, le nombre de filiales d'entreprises françaises progresse sur l'ensemble du continent africain avec une hausse de 13 %. En effet les intérêts français sont présents dans de très nombreux domaines d'activité, constituant un vecteur essentiel de développement économique et d'emploi autant en France que dans les pays anciennement colonisés. Traditionnellement, s'agissant de filiales de grandes entreprises, les intérêts français dans les pays de la zone franc d'Afrique sont notamment bien représentés dans les secteurs des infrastructures tels que l'énergie (Total, Alstom), le transport (Air France) ou encore la construction (Bouygues). Les parts de marché françaises reflètent la prédominance de ces entreprises dans l'activité économique des pays de la zone franc d'Afrique comparé aux autres entreprises étrangères. De même dans le cadre de privatisations de services publics de la part des anciennes colonies africaines suite à des difficultés financières, un certain nombre d'opérateurs français ont pris une place importante notamment dans les services publics marchands tels que l'eau, l'électricité ou encore les télécommunications.

Ces grosses entreprises reprennent donc l'ancien rôle de l’État français en s'occupant de multiples facettes économiques mais aussi de services publics. Il faut bien sûr bannir ici toute naïveté et dire que c'est en premier lieu pour servir les intérêts des entreprises elles-mêmes mais ce mécanisme fait bénéficier aussi les pays africains de certains avantages.

Tous les éléments cités précédemment amènent à penser que si la colonisation « officielle » d’État française est bien finie, un certain mécanisme colonisateur existe toujours, pour protéger des intérêts français mais pas seulement. Certaines opérations armées ou non n'ayant d'autre but que d'apporter stabilité et paix dans des pays où l’État a du mal à assumer toutes ces taches. La période des empires coloniaux est terminée mais la France dispose encore de l'héritage de ceux-ci pour asseoir son influence.

Sources :

https://blogs.mediapart.fr/fraternafrique/blog/310715/le-franc-cfa-un-outil-de-controle-politique-et-economique-sur-les-pays-africains-de-la-zone-fran

https://www.lemonde.fr/idees/article/2013/12/04/neocolonialisme-francais-en-afrique_3525486_3232.html

https://survie.org/IMG/pdf_brochure_Survie._La_France_coloniale_d_hier_et_d_aujourd_hui._v2006.pdf

https://survie.org/themes/economie/multinationales/article/les-entreprises-francaises-en

https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/afrique/le-franc-cfa/

http://www.leparisien.fr/economie/business/afrique-les-grandes-entreprises-francaises-deja-dans-la-place-11-04-2016-5703293.php

http://diktacratie.com/larmee-francaise-en-afrique/