Pourquoi Napoléon est le héros de tous les Français

 
Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard - Jacques-Louis David, 1801

Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard - Jacques-Louis David, 1801

 

On commémore avec raison les victoires remportées au cours des deux guerres mondiales en promettant «plus jamais ça». Pourtant, la France a la commémoration sélective. Ainsi, si le Président Macron avait célébré en août dernier le débarquement de Provence de 1944 effectué par l’armée française, il s’est trouvé trop occupé pour ne pas honorer les fêtes du 250e anniversaire de la naissance de Napoléon Bonaparte à Ajaccio. On a dû se contenter d’un discours politiquement correct du rubicond président du Sénat.

C’est que le premier Empereur des Français suscite une certaine répugnance dans certains bords politiques. Cette répugnance des petits n’aurait guère d’importance si elle n’avait aseptisé les programmes scolaires. Cette répugnance ne serait pas dramatique si elle ne faisait pas oublier la gloire, la grandeur et les sacrifices consentis par toute une génération portée par un météore : Napoléon Bonaparte.

A DROITE : IL A LAISSE LA FRANCE PLUS PETITE QU’IL NE L’A TROUVE

Il existe des chapelles de la droite française qui exècre «le Corse Bonaparte». Elles lui reprochent d’avoir quitté le pouvoir en 1814-1815 en laissant la France avec des frontières plus réduites qu’au début des guerres de la coalition. On lui reproche d’avoir confondu son destin avec la destinée de la Nation.

Pourtant, à la veille du 18 Brumaire, la France était menacée de disparition. Ses ennemis auraient bien voulu lui faire subir le même sort que la Pologne : un dépeçage systématique et progressif à leur seul profit. Les Russes et les Anglais débarquaient dans le Nord. Les Autrichiens renforcés par les Cosaques se trouvaient sur le Rhin et les Alpes,

Les victoires de Marengo et Hohenlinden y remirent bon ordre. Le consul Bonaparte inaugura sa prise de pouvoir par la victoire. La victoire apporta la paix. Une paix que Napoléon espérait durable. Cependant, le dynamisme français durant la paix fit peur à l’Angleterre et les hostilités reprirent pour ne s’achever que dans la boue de Waterloo…

En fait, le contentieux franco-anglais à l’origine de toutes les guerres de coalition contre la Révolution, la République et l’Empire n’est rien d’autre qu’une deuxième guerre de Cent Ans. Une seconde guerre de Cent Ans entamée sous Louis XIV avec la guerre de Succession d’Espagne. La guerre de Sept Ans et la guerre d’Indépendance américaine en furent des épisodes. Ayant perdu son joyau américain, Albion n’aurait pas survécu à une hégémonie française sur l’Ancien Continent.

Napoléon combattit les mêmes ennemis que Louis XIV et Richelieu. Mais, au contraire des rois, il pouvait compter sur ses talents et l’énergie incroyable de ses soldats, les fameux grognards qu’il suscitait. Ce mélange mit l’Europe à genoux devant la Grande Nation.

Après chaque victoire, l’Empereur se montrait généreux. Après Austerlitz, il laissa le tsar replier les débris de son armée vaincue en Russie. Au traité de Tilsit, il ne toucha pas au territoire russe. Après Wagram, il ne démantela pas l’Autriche comme le firent les Alliés en 1918.

Vainqueur trop généreux, l’Empereur n’a jamais tiré l’épée que pour défendre le peuple français auquel les Coalisés remirent des chaînes. Et, les Bourbons, indignes descendants du Roi-Soleil, s’assirent sur le trône en cédant les conquêtes de la Révolution et en reniant l’héritage politique de Louis XIV et Richelieu porté au nue par l’Empire. Le blâme leur en revient tout entier.

A GAUCHE : IL A TUE LA REVOLUTION

Napoléon a tué la Révolution française. Napoléon est un dictateur. Napoléon est le prédécesseur des fascistes et le successeur de l’Ancien Régime. Ce sont les lieux communs qu’on entend le plus souvent dans une gauche qui cultive la haine de soi. Mais est-ce donc vrai ?

Le jeune Bonaparte était un ami d’Augustin de Robespierre, frère cadet de «l’Incorruptible». Il a écrit le Souper de Beaucaire où il plaide pour un régime jacobin unifiant la France. Napoléon a saigné pour la République au siège de Toulon, lors du 13 Vendémiaire où il sauve l’Assemblée d’une faction de royalistes, dans les plaines d’Italie et dans les sables d’Orient.

Napoléon ne tue pas la Révolution. «La Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée : elle est finie» écrit-il dans son premier texte à destination des Français. En finissant la Révolution, à travers le Consulat et l’Empire, il la pérennise et la rend immortelle. Après lui, même les réactionnaires de la Restauration n’oseront pas toucher à la méritocratie, à l’égalité des citoyens devant la loi et l’impôt, à la liberté religieuse,…

Mieux, Napoléon étend la Révolution française. Là où les gouvernements précédents pillaient les territoires conquis, l’Empereur les traite comme des départements français : interdiction du pillage, respect des personnes. A la suite de la Grande Armée viennent des administrateurs et des législateurs. Ils abolissent la féodalité, font sortir les Juifs et les protestants de leur ghetto, établissent les acquis de la Révolution comme base de la société nouvelle.

Napoléon Bonaparte est un fils de la Révolution. Si aujourd’hui on retient du Sacre son couronnement, les contemporains de l’évènement eurent en mémoire le serment constitutionnel de l’Empereur : maintien des libertés et défense de la Patrie. Somme toute, l’Empire ne fut-il pas une autre forme, monarchique, pour un Comité de Salut public en lutte pour la survie de la Patrie en danger ?

NOUS SOMMES TOUS DES HERITIERS DE L’EMPEREUR

Napoléon Bonaparte est un personnage extraordinaire. Extraordinaire car il a réussi à conjuguer les ambitions séculaires de la France des rois à la soif de libertés nouvelles de la France de la Révolution.

Mais, cela n’aurait pas été possible sans le soutien constant du peuple français. Les Français de cette époque ont combattu de Lisbonne à Moscou. Ils se sont mobilisés comme jamais auparavant pour aider leur Empereur. Même s’il n’y a aucun monument aux morts, les grognards méritent autant que les poilus.

Napoléon a rassemblé les Français et les a menés à la grandeur. En cela, son souvenir devrait aujourd’hui guider les actions de nos élites à la tête de l’Etat. Pour cela, son héritage doit être porté fièrement par chaque Français. Car, jadis comme maintenant, le Petit Caporal pourrait s’adresser à chacun d’entre nous :

« Par moi tu es encore français; par moi tu n’es pas soumis à un juge prussien ou un gouverneur piémontais ; par moi tu n’es pas l’esclave de quelque maître irrité et qui a peur de se venger. Souffre donc que je sois ton Empereur. »
— Napoléon Bonaparte