Qu'est-ce que, Pourquoi et Comment Penser : (Bref) Retour à Descartes (3/3)

 
Portrait e Descartes dans son étude - Gravure, 17e siècle

Portrait e Descartes dans son étude - Gravure, 17e siècle

 

Qu’est-ce donc qu’avoir « l’esprit critique » ?

Alors, qu’est-ce donc qu’avoir l’esprit critique ?

Si donc penser, c’est user de sa Raison adroitement de telle sorte que les résultats auxquels l’on parvient sont les fruits des longues chaines de Raison, si penser c’est être rigoureux dans ses analyses et observer finement les processus et les formes avec clarté, netteté et distinctement de telles sortes qu’elles correspondent en tous points aux référents réels alors avoir l’esprit critique n’est rien de moins qu’être capable de discernement. En ce sens, Descartes renoue avec le sens premier de « Kritein » qui, en grec, signifie « discernement, division ».

Un esprit critique est donc un esprit capable de prendre le réel pour objet, de le mettre à distance, de reconnaître les différentes formes qui le composent et de diviser chacun des ensembles qui se présentent à ses sens ainsi qu’à son entendement puis est en mesure d’en tirer des conclusions mesurées et adéquates à leur natures.



Les trois écueils de la pensée : L’utilitariste impatient, le métaphysicien stagnant, celui qui va dans le mauvais sens.

Nous reprendrons, ici, le commentaire de Denis Moreau[1] (dont la clarté et la lucidité se passe de commentaires) :

L’utilitariste impatient : il veut d’emblée les branches et les fruits, les résultats utiles, et il n’a pas la patiente de passer par le moment fondateur de la métaphysique. Celui-là se précipite trop, il se trompera. Ses sciences seront douteuses, et sa moralité vacillante.

Le métaphysicien stagnant : il se contente des racines, passe sa vie à ruminer complaisamment de grandes questions métaphysiques. Celui-là n’a pas compris que si le philosophe doit, à un moment donné, se faire métaphysicien, il ne doit pas le rester et se contenter de cette activité. Il sera l’objet des moqueries, en l’occurrence justifiées, de ceux qui estiment que la philosophie ne sert à rien, car il accréditera la carricature du philosophe perdu dans ses réflexions fumeuses et coupé du concret. Il aura perdu son temps : il ne faut consacrer à la métaphysique que « fort peu d’heures par an » [Lettre à Elisabeth du 28-06-1643].

Celui qui part dans le mauvais sens : au lieu de rechercher les conséquences utiles, tronc et branches, des racines métaphysiques, il fait de la philosophie à rebours en se demandant s’il n’y aurait pas quelque chose sous les racines.


[1] Denis Moreau, Introduction à Lettre préface des principes de la philosophie de Descartes, p.31-p.32


Rappel biographique :

  • 31 mars 1596 : Naissance de René Descartes.

  • 1616 : Baccalauréat et licence de droit à Poitiers.

  • 1618 : S’engage dans l’armée de Maurice de Nassau, en Hollande (Guerre de Trente ans).

  • 1619 : Part pour l’Allemagne où il assistera au couronnement de l’empereur Ferdinand II à Francfort.

  • 1620-1625 : Voyage en France et en Italie.

  • 1625-1627 : Séjourne à Paris. Y fait de nombreuses rencontres importantes.

  • 1635 : Naissance de sa fille (Francine) qui mourra en 1640, et dont la mère (Hélène) est servante.

  • 1636 : S’installe à Leyde.

  • 1642 puis 1643 : Séjourne à Egmond (Hollande). Polémique d’Utrecht.

  • 1644 : Revient en France (pour la première fois depuis 1628).

  • 1645-1646 : Retour en Hollande, à Egmond.

  • 1649 : Se rend en Suède, à Stockholm.

  • 11 février 1650 : Descartes meurt d’une pneumonie.

Œuvres

  • Les règles pour la direction de l’esprit, 1627 / 1628

  • Monde, 1632

  • Discours de la Méthode, 1634 / 1636 puis 1637

  • Essais, 1636

  • La Géométrie, Les Dioptriques, Les Météores, 1637

  • Les Méditations métaphysiques, 1639

  • Les Méditations métaphysiques (et les réponses aux objections), 1640 puis 1642

  • Les principes de la Philosophie, 1644

  • Lettre préface aux Principes de la Philosophie, 1647

  • Lettre apologétique aux magistrats d’Utrecht, 1648

  • Traité des passions de l’âme, 1649

Sources :

  • Cassan Élodie, « La raison chez Descartes, puissance de bien juger », Le Philosophoire, 2007/1 (n° 28), p. 133-145. DOI : 10.3917/phoir.028.0133. URL : https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2007-1-page-133.htm

  • Rabouin David, « Mathesis universalis et algèbre générale dans les Regulae ad directionem ingenii de Descartes », Revue d'histoire des sciences, 2016/2 (Tome 69), p. 259-309. DOI : 10.3917/rhs.692.0259. URL : https://www.cairn.info/revue-d-histoire-des-sciences-2016-2-page-259.htm

  • Rabouin David, « Annexe II. Essai bibliographique sur la mathesis universalis chez Descartes et Leibniz », dans : Mathesis universalis. L’idée de « mathématique universelle » d’Aristote à Descartes, sous la direction de Rabouin David. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Épiméthée », 2009, p. 367-374. URL : https://www.cairn.info/mathesis-universalis--9782130570882-page-367.htm

  • Warusfel André, Euler : les mathématiques et la vie, Vuibert (Paris) 2009.

  • René Descartes, Règles pour la Direction de l’esprit, Livre de Poche, Paris, 2016

  • René Descartes, Discours de la Méthode, GF, Paris, 2016

  • René Descartes, Lettre Préface aux Principes de la Philosophie, GF, Paris, 1996

  • René Descartes, Correspondance avec Elisabeth et autres lettres, GF, Paris, 2018