Terra Cultura : L’État comme Léviathan
Qu’est-ce que l’Homme pour son prochain ? Selon le philosophe anglais Thomas Hobbes, un loup violent, sanguinaire et cruel. Profondément marqué par les événements révolutionnaires de son temps, l’auteur va proposer une réflexion critique sur l’État et la nécessité pour celui-ci de devenir un monstre puissant et dominateur afin de garantir la paix et l’ordre civils : le « Léviathan ».
L’œuvre philosophique est publiée pour la première fois en 1651 des suites de la Révolution anglaise. Au cours de celle-ci, le peuple britannique commît un régicide sur la personne de Charles Ier, tout en expérimentant un nouveau – et éphémère – genre de régime politique : la république. Hobbes conceptualise l’état de Nature, sorte d’état primordial où la culture et les lois de la civilisation n’ont pas encore cours pour penser l’Homme libre de toute moralité ou de toute responsabilité. Face à ce chaos généralisé où le plus fort domine le plus faible, aucun développement ne peut avoir lieu. De plus, l’instabilité politique d’un tel système est insupportable à quiconque voudrait bâtir une société ordonnée, le plus fort pouvant à tout moment être renversé par plus puissant ou par une association de dominés. C’est là que naît le concept de « pacte social ». D’un commun accord ou sous la domination d’un groupe puissant, les hommes se soumettent à un nouveau type de pouvoir : l’État. Disposant de la violence légitime (puisque consentie par les Hommes), ce Léviathan a pour mission de garantir la paix, la justice et l’ordre afin que l’état de Culture puisse se substituer à l’état de Nature. C’est la fondation d’un courant philosophique majeur qui va conditionner les mouvements révolutionnaires du XVIIIème siècle : le contractualisme.
Des États-Unis d’Amérique à la France conventionnelle, cette pensée politique va permettre un renforcement inédit de l’État sur les individus et leur développement spectaculaire jusqu’à l’hégémonie mondiale de l’Occident au cours du XIXème siècle. Combattu par les penseurs anarchistes, antifascistes et déconstructivistes au cours du siècle suivant, le contractualisme va péricliter jusqu’à disparaître avec l’apparition d’un multiculturalisme communautaire hostile à l’État moderne et son autorité. En résulte des troubles, situations insurrectionnelles et rapports de domination qui renforcent la pertinence de l’analyse hobbesienne. À noter toutefois que le souverainisme français reprend nombre d’éléments développés à travers les Lumières de Hobbes et Rousseau, vantant l’unité nationale par l’association et la légitimité de l’État souverain par le peuple.
Sources :
Léviathan, Thomas Hobbes (1651)
Traité du gouvernement civil, John Locke (1690)
Du contrat social, Jean-Jacques Rousseau (1762)