Belgique : A quand L'union des Droites ?

 
BelgianFlag_bis.jpg
 

Une coalition insoupçonnée ?

Les Belges avaient voté il y a plus d’un an pour envoyer leurs représentants siéger dans les parlements de l’Union européenne, des Régions et Communautés et au Fédéral. Si l’Union a depuis longtemps sa Commission et les entités fédérés leurs gouvernements, l’échelon fédéral, pourtant responsable devant tous les Belges, est celui qui a mis le plus de temps à être formé.

On doit cette longue absence de gouvernement majoritaire et effectif aux exclusives que les partis s’imposent les uns aux autres. Or, comme on l’a vu tout au long des mois passés, bizarrement, les exclusives se sont déliées pour éviter que certains ne perdent encore plus de voix encore. Le résultat donne des alliances contre nature. De plus, cela ne fait qu’augmenter le dégoût du citoyen envers les hommes et femmes politiques. Sans compter le sentiment du « tous pareil »….

Pourtant, il existe une coalition, inédite en Belgique, qui n’a pas été retenu par les négociateurs : l’union des droites. Il se serait agi d’unir dans une même majorité le MR, le CDH, le VLD, le CD&V, la NVA et le VB. Cela aurait donné une majorité de 86 sièges pour soutenir un gouvernement de centre-droit.

Cette idée, qui consiste à couper le cordon sanitaire n’est pas nouvelle et n’est pas une exception au sein de l’Union européenne.

 

L’union des droites : un serpent de mer ou une « divine surprise » ?

La première fois que l’expression « union des droites » a été citée, c’était pour désigner l’alliance des royalistes et des bonapartistes à l’Assemblée nationale de 1875, en France. Les deux mouvements essayaient de mettre de côté leur antagonisme pour restaurer la monarchie, reprendre l’Alsace-Lorraine et rétablir l’hégémonie française en Europe. Néanmoins, faute d’accord sur leur prétendant au trône et sur le choix du drapeau tricolore, la gauche républicaine imposa définitivement le régime parlementaire et paralysant d’immobilisme de la IIIe République.

Depuis, dans l’Hexagone, les forces politiques de droite n’ont presque plus jamais su s’entendre. Un seul moment d’union donna une écrasante majorité au Bloc national de Clémenceau après la victoire de 1918.

Charles Pasqua, le tout-puissant ministre gaulliste de l’Intérieur, suggéra plusieurs fois une alliance électorale avec le Front national de Jean-Marie Le Pen dans les années 1980. Il arguait que s’allier avec les lepénistes permettrait à un RPR (futur Les Républicains) en voie de s’embourgeoiser de renouer avec le gaullisme populaire des débuts.

Le projet d’unir les différents courants fait de temps en temps surface sur la scène politique française. Bien souvent, on assiste seulement à des ralliements individuels de personnalités (tel l’ex ministre républicain Thierry Mariani ou le député Nicolas Dupont-Aignan) ou de partis de petite taille. Mais le fait majeur se trouve être la désertion de l’électorat républicain.

 De facto, on voit bien que les électeurs « républicains » basculent le plus souvent vers le parti à la flamme. A quand viendra le tour des élus et mandataires de faire une « divine surprise » ?

 

Et chez nos voisins ?

L’union des droites est devenue une réalité concrète, quoiqu’avec des formes variées, dans plusieurs Etats européens. Dans ces pays, on n’a vu l’institutionnalisation de dictature ni non plus l’effondrement des libertés fondamentales. Jetons-y un coup d’œil…

Les premiers exemples concrets sont l’Italie et l’Autriche. Dans ces deux pays, des partis souverainistes ont accédé au pouvoir par le suffrage universel et de judicieuses alliances.       L’ÖVP et le FPÖ se sont alliés sous le leadership du chancelier Sebastian Kurz. Si ce dernier a dû dissoudre son alliance, c’est avant-tout à cause d’une faute de son vice-chancelier nationaliste plutôt que pour des désaccords de fond entre les deux partis largement bien vu des Autrichiens. Quant à l’Italie, l’union des droites ne s’est pas fait entre le Ligue et le Mouvement Cinq Etoiles mais avec Forza Italia de Silvio Berlusconi et Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni. Ensemble, ces trois formations dirigent plusieurs régions parmi les plus prospères de la Botte.

Dans une autre péninsule, en réaction à l’union des gauches espagnoles et du séparatisme catalan, différents partis espagnols ont formé une entente victorieuse. Ainsi, en Andalousie, Vox, le Partido popular et Ciudadanos ont arraché la province aux socialistes. Si Vox, formation nationaliste, n’est pas entré dans l’exécutif local, son soutien a permis aux conservateurs et libéraux de se mettre activement au service du peuple.

Dans la même veine, aux Pays-Bas, de 2010 à 2012, le gouvernement libéral-centriste de Mark Rutte a reçu un soutien indispensable en le parti de Geerts Wilders, euro-critique notoire.

De manière plus originale, le Brexit Party de Nigel Farage a accepté de ne pas présenter de candidats aux élections générales anticipées face aux députés sortants du Parti conservateur. Sans cela, la victoire du Parti conservateur aurait été beaucoup plus compliquée. In fine, cela a mené à l’achèvement du Brexit.

Enfin, en Allemagne, au vu des scores raz-de-marée de l’AfD, certains parmi les libéraux du FDP tout comme les conservateurs de la CDU-CSU envisagent d’entraîner cette force nouvelle dans une grande alliance alternative.

 

Quelle forme ?

Comme on l’a vu, l’union des droites peut prendre plusieurs formes.

On aurait pu imaginer un soutien sans participation de certaines formations plus petites comme le CDH., c’est-à-dire le vote de confiance au gouvernement puis le vote du budget sans pour autant rentrer dans aucun ministère, Pour éviter de voir un programme entièrement étranger à ses propositions, le VB aurait accordé ce soutien temporaire à un gouvernement de centre-droit. Le nouveau gouvernement aurait été en partie lié par un pacte sur quelques points-clefs comme la sécurité, l’immigration ou le budget. Pour le reste, il aurait mené une politique de gouvernement minoritaire en sachant qu’il aurait trouvé ses meilleurs supporters sur les rangées droites de l’hémicycle plutôt que les rangées gauches…. A ce moment-là, paradoxalement, le contrôle du Parlement sur les activités du gouvernement se serait considérablement renforcé.

Ou bien, plus classiquement, tous les partis auraient fait leur entrée dans le gouvernement. Mais, on comment se répartir les ministères ? Aurait-il fallu compter le VB et la NVA comme faisant partie tous deux de la famille nationaliste, comme le CDH et le CD&V font partie de la famille catholique et le MR et le VLD qui appartiennent à la famille libérale ?

 

En guise de conclusion….

La proposition de cette carte blanche se veut un brin provocatrice mais aussi ouvrir une voie vers de nouvelles perspectives. Ne nous mentons pas : le cordon sanitaire ne marche pas. Une grande partie des Belges se reconnait toujours plus dans les idées nationalistes, et même communistes pour l’autre côté de l’hémicycle. La ministre NVA Zuhal Demir en avait déjà fait le constat : « Je ne vais pas me cacher derrière un cordon sanitaire mis en place il y a 28 ans, qui ne nous a absolument pas rapprochés de solutions. Je n’y crois plus ».

Ensuite, les pudeurs de gazelle de certains états-majors de partis doivent s’effacer. Il est temps de réfléchir à un autre pan de cette autre réalité : les partis de gauche n’ont pas renoncé à s’allier. Par exemple, il existe au Parlement de Wallonie une potentielle gauche plurielle. Certes, ils n’ont pas réussi à s’entendre une première fois, mais qu’en sera-t’il lors des prochains scrutins ? Pourquoi renoncer à un allié potentiel alors que les adversaires n’hésiteront pas ?

De plus, que penser d’un pays incapable de former un gouvernement plus d’un an après les élections, une deuxième fois depuis le début du siècle. On ne peut décemment outrepasser l’avis d’une large partie de l’électorat. Rien que pour cela, nous n’avons de leçons de démocratie à donner à nos voisins et amis européens.  Il est malsain de stériliser d’office et par principe la voix de dizaines de milliers d’électeurs, surtout au bénéfice d’une coalition contre nature.

Le cordon sanitaire est aussi stratégiquement déséquilibré que démocratiquement malsain et pratiquement inefficace.

N’est-il pas temps d’y renoncer ?