Cannabis, quelle réponse pragmatique et conservatrice ?

 
Photo par : weedshots - GRAS GRÜN - Unsplash

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Le cannabis est la drogue illicite la plus consommée en France. Cette consommation a été marquée par une forte progression au tournant du XXIe siècle et celle-ci serait stable depuis 2003, mais le nombre d’expérimentateurs est lui en augmentation[1]. La question de la dépénalisation et de la légalisation du cannabis est apparue, soutenue par les mouvements de gauche et faisant maintenant parti des thèmes « progressistes » dans les débats politiques. Pourtant, la question du cannabis va plus loin que celle de l’extension des libertés individuelles.

Le cannabis en chiffre

Les jeunes sont actuellement la catégorie la plus touchée par la consommation de cannabis puisque 40% des jeunes disent l’avoir expérimenté et 7% seraient des fumeurs réguliers[2]. Aussi, les Français ont été les plus gros consommateurs en Europe en 2019 selon l’OFDT[3] avec 17 millions d’expérimentateurs et 1.4 million de consommateurs réguliers dont 700 000 en consommeraient tous les jours. La consommation du cannabis s’explique par le fait qu’il présente l’avantage d’être une drogue attractive financièrement et moins « dure » que l’héroïne ou la cocaïne (600 000 et 2.2 millions d’expérimentateurs). Cependant, la consommation de cannabis ne rivalise pas avec celle du tabac, ses 14 millions de fumeurs quotidiens et 73 000 décès par an qui lui sont attribuables.

En France, le cannabis est classé comme un stupéfiant et son usage est interdit conformément à la loi du 31 décembre 1970, la peine pour infraction allant jusqu’à un an de prison et une amende pouvant aller jusqu’à 3 750 euros. Depuis le 23 novembre 2018, une amende forfaitaire de 200 euros pour usage de stupéfiants peut être appliquée par les forces de l’ordre.

De la dépénalisation et/ou la légalisation du cannabis

La légalisation tend à donner un cadre légal à un acte qui n’en avait pas en ouvrant un accès à cette substance. Cette légalisation peut tout autant être stricte que libérale en fonction de la législation sur la production, le transport, le lieu, etc. Elle organise le marché légal du produit de sa production à sa distribution, c’est pragmatiquement la forme la plus efficace de contrôle du cannabis.

La dépénalisation à l’image d’un travail à moitié terminé, elle peut aller jusqu’à une déjudiciarisation de la consommation qui n’est plus considérée comme une infraction (au même titre que l’ivresse alcoolique chez soi est déjudiciarisée par rapport à celle sur la voie publique). La dépénalisation n’organise pas non plus le contrôle sur la production et la distribution.

Le vrai-faux problème d’une minorité

Mais le sujet du cannabis reflète bien l’état actuelle de notre société, plus encore de nos priorités, ou plutôt, de celles de minorités. Tirer un joint en toute légalité est devenu, en l’espace de quelques années, un terrain de revendication d’un petit nombre qui a su la transposer dans le débat public jusqu’à en faire une cause politique. La France est un pays centralisé, la politique et ses programmes se dessinent parmi les influenceurs en métropole et particulièrement au sein de la capitale, Paris.

Si Paris n’est pas la France, elle est pourtant le berceau ou naissent les lois, elle est le reflet de notre politique, et par conséquent, l’avenir de la nation. N’oublions pas aussi la vitrine qu’elle représente de la France sur l’international. Une vitrine mise à mal depuis plusieurs décennies par une politique progressiste inadaptée aux défis d’une capitale globalisée. Le tout porté par l’élite politique parisienne mais aussi nombre de « Parisiens » qui les soutiennent, d’avantage par idéalisme que par pragmatisme. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Paris peut devenir le « territoire test » pour fumer du « cannabis récréatif »[4], une démarche dans la logique progressiste pure portée entre autres par les politiciens de gauche[5].

Dans une logique de défense des libertés individuelles, Terra Bellum n’est pas formellement opposé à la dépénalisation ou la légalisation du cannabis. Nous préférons laisser les individus disposer de leur liberté et en payer les conséquences, même si nous trouvons la consommation de cannabis totalement inappropriée vis-à-vis des valeurs que nous portons et du modèle de société que nous promouvons. Aussi, la prohibition, appliquée dans notre système démocratique actuelle n’a jamais brillé par ses résultats sur le long terme.

La question pose un problème à l’échelle du collectif et donc de la nation. Le cannabis, au même titre que tout autres substances psychoactives, a un impact qui s’étend au-delà de l’échelle de l’individu, avec des conséquences néfastes sur sa famille, ses amis, ses connaissances, ses compatriotes. Chaque substance agit différemment sur les organismes, mais à compter du moment où cela nous concerne tous, l’exception n’a pas sa place dans la conception et l’application de la loi. En démocratie, la majorité prime sur la minorité, c’est à cette dernière de s’adapter à la première et non l’inverse. C’est donc pour servir le bien commun que le cannabis doit être contrôlé et qu’il l’est jusqu’alors.

Du pain et des jeux

Plus intéressant, il convient de songer à l’étendue du débat que prend la question du cannabis. Un débat bien plus profond que celui de fumer une substance psychoactive illégale dans un but « récréatif ». Cette question reflète en réalité la dominance de l’individualisme de plus en plus prégnant. Cette culture du « moi je » allant bien plus loin que les libertés fondamentales.

La majorité des Français ont dépassé le stade de la survie, nos besoins primaires et matériels sont assurés. Nous vivons aujourd’hui dans la société des loisirs, sorties culturelles, sorties entres amis, voyages, sports, la consommation de tabac, d’alcool, de produits qui ne sont pas vitaux fait partie intégrante de cette société des loisirs, tout comme le cannabis. En moins d’un demi-siècle les habitus inscrit en grandes lettres depuis des siècles voire millénaires ont été remplacés. L’individu est, aujourd’hui pris au piège devant la multitude des possibilités qui lui sont offertes. Pris au piège également devant la facilité d’une vie modeste au côté de la « masse » d’un côté, mais paradoxalement aussi par l’effort et l’intelligence nécessaires pour qui souhaite se hisser réellement dans cette société de consommation et de loisir. Il est humain d’en désirer toujours plus, la question est alors de distinguer le désir réel qui élève l’homme dans son milieu et l’absurde qui le paralyse et le conforte dans sa position d’inférieur en l’endommageant de l’intérieur.

Le cannabis n’est qu’une revendication parmi les nombreuses à outrances. Ne sachant plus où aller ni que faire, l’homme se détruit de lui-même. Porté par un progressisme en manque d’imagination et ne sachant s’illustrer sur le terrain politique que par des propositions toujours plus délirantes et destructrices. C’est là que le conservatisme doit user de son pragmatisme afin de maintenir l’équilibre des libertés fondamentales et garantir aux individus des objectifs nobles à mêmes de les élever socialement, matériellement et intellectuellement. Lutter efficacement contre le cannabis et les addictions, c’est avant tout promouvoir un esprit sain dans un corps sain.

[1] La proportion d’expérimentateurs parmi les 18-64 ans est passée de 24 % en 2000 à 29 % en 2005 et 33 % en 2011.

[2] « Les consommations de substances psychoactives en population », 19/20/2019 générale : https://www.drogues.gouv.fr/comprendre/chiffres-cles/en-population-generale

[3] Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies

[4] https://www.lesinrocks.com/2019/07/05/actualite/actualite/va-t-on-bientot-pouvoir-fumer-du-cannabis-a-paris/

[5] Laurence Goldgrab, présidente du groupe radicaux de gauche centre et indépendants (RGCI)