Cloud Computing : Un marché arrivé à maturité ? (3/4)

 
Logo du service cloud de Microsoft, Microsoft Azure - Microsoft Corp.

Logo du service cloud de Microsoft, Microsoft Azure - Microsoft Corp.

 

Comme l’estime Thierry Breton, commissaire européen en charge du marché intérieur, le marché concernant les données et par extension leur stockage ne pourra que s’élargir. Notre commissaire supranational estime que « ce volume double tous les 18 mois ». Ce rythme, non sans rappeler la très populaire mais également très contestée loi de Moore (il n’a jamais parlé de puissance ou de vitesse de calcul mais de transistors pour les microprocesseurs, et n’a jamais parlé non de 18 mois mais d’un an), permettra au marché d’atteindre la taille ahurissante de « 175 zeta bites dans cinq ans ». Mais, avant de parler du futur marché, parlons de l’actuel.

Un marché en constante augmentation

En 2014, selon l’INSEE 14 % des entreprises de plus de 10 personnes implantées en France avaient recours à des services payants de cloud computing. En Europe, le pourcentage atteint 19 %, soit près d’une entreprise sur 5. Ce chiffre monte à 36 % lorsque l’on ne prend en compte que les entreprises de plus de 250 salariés, sur le territoire national ou européen. Sur les petites entreprises la France est en retard, mais ce dernier est loin d’être important. D’après Statista, en 2016 « seulement » 17,1 % des entreprises de plus de 10 salariés implantés en France, avaient recours au cloud computing. Cette augmentation est à prendre avec du recul, puisque le sondage réalisé par Statista ne prend pas en compte deux secteurs particulièrement friands de données et par conséquent de leurs stockages : la finance et les assurances. Nul doute qu’avec eux le pourcentage aurait augmenté. En 2014 et 2016, que cela concerne le secteur de l’industrie, du commerce, de la construction ou encore du transport, tous ont vu leur utilisation du cloud augmenter.

Cette consommation et cette augmentation produisent des chiffres donnant le tournis. On estime à 8,5 milliards de dollars la valeur du marché du cloud en 2017 pour la France. Certains médias tels que l’Usine Digitale évoque une croissance de 21 % sur un an, même si l’étude utilisée prend en compte un secteur du cloud élargi aux conseils et services complémentaires fournies aux entreprises. Channel Business Partner évoque quant à lui une croissance mondiale de l’ordre de 24 %, et un chiffre d’affaires de 180 milliards de dollars. En 2018 les sept segments clés du marché des services et infrastructures cloud ont généré plus de 250 milliards de dollars. Toujours selon l’Usine Nouvelle, le marché français atteint les 10 milliards de dollars, et semble avoir bondi de 20 % en 2019 avec un montant situé aux alentours de 12 milliards. Quant au marché mondial du cloud public, son évolution donne le tournis : 196,7 milliards en 2018 (contre 250 milliards pour le marché total du cloud), 227 en 2019 et des prévisions allant jusqu’à 354 milliards de dollars pour 2022 !

Que cela soit le cloud hybride (mix entre l’utilisation d’un cloud public et d’un cloud privé) ou du cloud public (i.e l’endroit où le fournisseur vous fournit l’accès à l’infrastructure de son centre de données), les deux types de services sont en constante augmentation. Ce secteur comme tous les pans de l’économie possède ses champions, mais malheureusement comme la plupart des secteurs émergents de la révolution industrielle 4.0 ces acteurs ne sont que trop peu diversifiés.

Amazon Web Services et Microsoft Azure : le champion et son outsider

Comme précisé lors du précédent article, certaines entreprises ont très vite compris l’intérêt du cloud computing. La plus emblématique d’entre elle est Amazon et sa branche AWS (Amazon Web Services). Dès 2003 la compagnie de Jeff Bezos a saisi l’importance de ce service qui assure aujourd’hui sa viabilité économique. En effet, même si Amazon est connu principalement pour son service de vente en ligne, l’entreprise ne gagne pas d’argent avec ce dernier, sa rentabilité est garantie par Amazon Web Services. Parmi ses clients se côtoient de grands groupes (Netflix, Veolia, AXA…) et des institutions (la CIA notamment avec un contrat à hauteur de 600 millions de dollars). Le directeur de cette branche de l’entreprise, Andy Jassy, est considéré par certains comme le créateur du marché du cloud public et son parrain. En 2018 Amazon tire de ses activités un bénéfice net de 10,1 milliards de dollars, dont un peu plus de 7 milliards rien que pour sa branche consacrée au cloud. Ses parts de marché dans le secteur du cloud public sont presque indécentes : 47,8 % en 2018. Mais le numéro 2 de ce secteur d’activité est loin de se laisser distancer sans opposer de résistance.

Une illustration de cette bataille réside dans l’attribution de « Jedi » (Joint Enterprise Defense Infrastructure). Ce doux nom n’est ni plus ni moins que le cloud du département américain de la défense (pour rappel le budget de la défense américaine était de 716 milliards en 2019). Afin de savoir quelle entreprise allait avoir la chance de prendre en charge le stockage de ces données, la bataille finale a vu s’opposer les deux principaux acteurs du secteur : Amazon Web Services et Microsoft Azure. Comme son nom l’indique, Microsoft Azure est la branche cloud de Microsoft. Chez Amazon, la perte de ce contrat estimé à 10 milliards est due à la détestation de notoriété publique entre Donald Trump et Jeff Bezos. D’autres y verront un changement : Amazon n’est plus seul au sommet du cloud, Microsoft lui dispute sa suprématie. Une des explications de cette victoire réside également dans l’offre de l’ancienne entreprise de Bill Gates : l’alliance de l’intelligence artificielle et du cloud. Cette offre est particulière sur deux autres points, comme le précise Benoît Georges dans les Echos : « Microsoft, notamment, surfe sur deux tendances : le cloud hybride (un client peut associer ses propres serveurs et ceux qu’il loue à des tiers) et le multicloud (un client utilise plusieurs prestataires de cloud public) ».

Alibaba Cloud, Google Cloud Platform, Cloud computing IBM

Derrière ces deux géants, les parts de marché sont bien plus disputées. Passant de 5,3 % à 7,7 % de 2017 à 2018 et première entreprise non américaine, Alibaba prend de plus en plus de place comme alternative aux GAFAM pour les entreprises internationales. En plus d’être assurée de ne pas avoir de concurrence américaine sur son terrain naturel, à savoir l’Empire du Milieu, Alibaba développe fortement son offre de cloud : nouvelle présence en Europe avec la Pologne, partenariat avec des institutions telles que le Comité International Olympique, partenariat pour l’intelligence artificielle avec Intel… Ses parts de marché vont sensiblement augmenter dans le futur, grignotant ainsi toujours plus l’hégémonie d’Amazon. Même si Alibaba reste largement derrière Amazon, ces deux entreprises, et y ajoutant Microsoft, occupent 72 % du marché du cloud en 2019 !

Derrière ce trio, les autres acteurs se partagent les « miettes ». Bien évidemment les noms de certains ne vous seront pas inconnu. Le top 5 est complété par Google Cloud Platform, branche cloud d’Alphabet. La firme dirigée par Sundar Pichai frustre les analystes par le manque de chiffres communiqués sur cette branche de l’entreprise, mais assure décrocher « de grosses victoires ». Que ces victoires soient réelles ou créées pour la communication de l’entreprise, Alphabet a largement de quoi soutenir une branche qui démarre « difficilement ». Le dernier acteur complétant le top 5 est IBM avec Cloud computing IBM. International Business Machines Corporation, entreprise la plus ancienne de ce top 5 puisque créée en 1911, ne possède que 1,8 % de parts sur le marché du cloud.

Suite à la présentation de ces 5 branches, une question légitime vient à se poser : où se situent l’Europe et la France ? Quelles initiatives le continent et le pays prennent-ils ? Comment nos acteurs nationaux et supranationaux réagissent-ils ? Nous verrons cela lors du 4ème et dernier article consacré à ce vaste sujet qu’est le cloud computing.



Sources :

https://www.lesechos.fr/monde/europe/thierry-breton-pour-acceder-au-marche-europeen-il-faudra-accepter-nos-regles-1161004

https://www.lebigdata.fr/cloud-computing-2020-statista

https://fr.statista.com/statistiques/486835/entreprises-france-cloud/

https://www.usine-digitale.fr/article/le-marche-francais-du-cloud-atteint-8-5-milliards-d-euros-en-2017.N645943

https://www.channelbp.com/content/le-march%C3%A9-mondial-du-cloud-en-croissance-de-24-en-2017

https://www.developpez.com/actu/241074/Le-marche-du-cloud-a-represente-plus-de-250-MMM-pour-une-croissance-annuelle-de-32-pourcent-selon-le-dernier-rapport-de-Synergy-Research-Group/

https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/le-cloud-public-un-marche-a-2278-milliards-en-2019-73365/

https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/20140625trib000836922/quand-les-services-secrets-americains-pactisent-avec-amazon.html

https://www.zdnet.fr/actualites/top-2019-des-fournisseurs-de-cloud-aws-azure-gcp-ibm-sur-l-hybride-et-salesforce-domine-le-saas-39880577.htm

https://www.silicon.fr/cloud-pentagone-microsoft-amazon-contre-attaque-jedi-326209.html

https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/aws-le-nuage-en-or-damazon-1159890