Covid-19 : la fin de l’euro et le retour au franc ?

 
L’euro est-il condamné ?

L’euro est-il condamné ?

 

Début mai 2020, la cour constitutionnelle allemande lançait un pavé dans la mare européiste : le rachat de dettes nationales souveraines par la banque centrale germanique dans le cadre de l’union monétaire européenne tombe désormais sous le coup de l’illégalité. Ce coup de lance en plein cœur du dernier pilier européen met fin de facto à la « solidarité continentale » mise en avant par le mythe fédéraliste européen depuis des décennies. L’euro, monnaie commune – et non unique – de nombreux pays-membres de l’Union européenne, entre dans une phase critique que moult commentateurs économiques et politiques qualifient de « dernière chance ». Sommes-nous à l’aune d’un retour aux monnaies nationales et donc à la souveraineté monétaire ? Le franc va-t-il faire son retour dans nos livres de compte, nos fiches de paie et autres billets de banque ?

L’euro est une monnaie commune construite à partir des années 1980 et mise en circulation à l’aube du troisième millénaire en remplacement des anciennes monnaies nationales comme le franc français, le deutschemark allemand ou encore la lire italienne. À l’origine de ce projet, le président de la République française François Mitterrand. Inquiet de voir se réunifier l’Allemagne à la suite de la chute du mur de Berlin, le chef de l’État envisage la création d’une unité de compte commune destinée à handicaper la puissance économique et industrielle germanique. Condition sine qua none à la réunification du pays de Goethe, l’euro est adopté en même temps que le traité fondateur de Maastricht qui donne naissance à l’Union européenne, sorte de confédération continentale.

Mais les plans français sont rapidement contrecarrés par Berlin. Les Allemands indexent les critères monétaires sur la politique de leur banque centrale nationale et y refusent les dévaluations qui étaient monnaie courante à Paris, Madrid ou encore Rome. Pis encore, ils privent la Banque centrale européenne de pouvoir en faisant des anciennes banques centrales nationales le moteur de l’émission monétaire au sein de la zone euro. Malgré une parité fixe, la France imprime son propre euro via la Banque de France. Cette mesure transforme la « monnaie unique » en monnaie commune dont il est dès le début envisagé la sortie.

Depuis 1999, l’euro a traversé de nombreuses crises dont la plus importante fût celle qui failli l’emporter, à savoir celle de 2012. Sauvée à grand renfort de quantative easing, la monnaie européenne aura également enterré la démocratie populaire via l’usage de chantages et de pressions de la part des pays-membres envers la Grèce et son corps citoyen. Aujourd’hui, en 2020 et avec la crise du coronavirus, la « solidarité européenne » montre ses limites. L’euro n’a plus aucune valeur tant et si bien que des centaines de milliards sont imprimés sans difficulté afin de palier les effets néfastes du confinement à l’échelle européenne. Les refus de coopération, dont le dernier en date provient du poumon monétaire à savoir l’Allemagne, font craindre – plus que jamais – un éclatement de la zone euro.

Construction purement politique ne répondant à aucun besoin économique (comble pour une monnaie), l’euro démontre ses limites et son inutilité financière là où les anciens leviers nationaux permettaient une plus grande marge de manœuvre pour les États souverains. Sommes-nous à l’aune d’un retour au franc, à la lire ou au deutschemark ? Rien n’est moins sûr, et l’affirmer serait de la divination, mais une chose est certaine, l’euro n’a jamais été aussi proche de l’éclatement dans un contexte où les principes fondateurs de l’Union européenne (rigueur budgétaire, limitation de l’inflation, faible endettement, solidarité entre les membres, etc.) se sont tous effondrés un à un avec la crise sanitaire. Quoiqu’il en soit, et contrairement aux prédictions apocalyptiques dont les peuples européens ont l’habitude depuis le Brexit, une sortie de l’euro ne serait pas un « saut dans l’inconnu » tant les mécanismes de retour aux monnaies nationales existent déjà depuis vingt ans et avaient été prévus par des Allemands réticents à obéir à la loi française. De plus, le retour à une monnaie nationale signerait la réappropriation des outils monétaires et souverains qui faisaient cruellement défaut à la France pour mener une politique pragmatique et adaptée à son économie qui, nous n’aurons de cesse de le répéter, n’est pas celle de l’Allemagne…

Sources :

https://www.tvlibertes.com/actus/le-grand-schisme-monetaire-qui-se-prepare?fbclid=IwAR1aBnC0SAbqPDFr8zgFmCt1sAf-NtFG4h1diqgA6OhrIC5TYx2XY0Qogn0

https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/05/06/la-cour-constitutionnelle-allemande-critique-le-manque-de-supervision-de-la-banque-centrale-europeenne_6038788_3234.html

https://www.upr.fr/pourquoi-leuro-est-condamne/

https://www.upr.fr/actualite/nouvelle-et-grave-crise-de-leuro-en-vue/