Crimée : annexion illégale ou récupération légitime ? (4/4)

 
Le port de Sebastopol, touché par les sanctions européennes.

Le port de Sebastopol, touché par les sanctions européennes.

 

6 ans après l’annexion de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol par la Fédération de Russie, l'Union européenne maintient fermement sa position et maintient les sanctions en tout genre. Cette dernière ne reconnait pas cette « violation du droit international » et continue à la condamner. Pour l’Union Européenne, l’annexion de la Crimée constitue une menace directe pour la sécurité internationale et a de graves répercussions sur l'ordre juridique international, qui protège l'intégrité territoriale, l'unité et la souveraineté de tous les États.

Les arguments des européens

Tout d'abord, selon le Kremlin, la péninsule est un territoire historiquement russe. Pourtant, du point de vue historique, la Crimée a été habitée par une centaine de peuples au long des siècles : des Cimmériens aux Krymchaks, son territoire a été sous le contrôle de nombreux empires, de l'Empire romain à l'Empire ottoman. Et c'est seulement en 1783 que l'Empire russe a conquis cette région, qui n'a finalement été russe, sous différents statuts, qu'un siècle et demi. Ce n'est qu'à la suite des nombreuses déportations des peuples habitant la Crimée, organisées par les pouvoirs russes successifs, que les Russes sont devenus, de façon artificielle, la majorité ethnique de la péninsule. A partir de 1944, le régime totalitaire de l'Union soviétique a déporté les Tatars, Tsiganes, Arméniens, Bulgares, Grecs, Italiens. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la péninsule de Crimée avait ainsi perdu les deux tiers de sa population.

Un deuxième argument constamment employé pour légitimer cette annexion est l'histoire du soi-disant "cadeau" par laquelle Nikita Khrouchtchev, en 1954, aurait seul décidé d'offrir la Crimée à l'Ukraine. En réalité, Khrouchtchev n'a jamais été le décisionnaire exclusif de l'Etat soviétique : il était premier secrétaire du Parti communiste, tandis que le poste de Président du présidium du Soviet suprême était occupé par Kliment Vorochilov et le pouvoir exécutif était dirigé par le président du Conseil des ministres, Gueorgui Malenkov. La décision de transférer la Crimée a été prise collectivement par les organes politiques soviétiques. Les modifications correspondantes ont ensuite été ajoutées aux Constitutions de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR) et de la République socialiste soviétique d'Ukraine (RSSU). A la suite de l'indépendance de l'Etat ukrainien, plusieurs ont été adoptés et ont consolidé l'intégrité territoriale et l'inviolabilité des frontières de l'Ukraine.

Troisième argument, la critique du référendum portant sur le rattachement de la péninsule de Crimée à la Russie. Ce dernier a été organisé en deux semaines et s'est tenu le 16 mars 2014. Les résultats ont été annoncés le lendemain : 96,6% de "oui" au rattachement à la Russie avec un taux de participation de 82%. D'après la déclaration de Moustafa Djemilev, chef de file du Mouvement national des Tatars de Crimée, le taux de participation n'aurait été que de 32,4%. Le même jour, le Parlement de Crimée a proclamé l'indépendance de la péninsule et demandé son rattachement à la Russie. Le processus d'annexion a abouti officiellement, le 21 mars 2014, dans un processus législatif accéléré. Lors d'une cérémonie au Kremlin, Poutine a signé la loi créant deux nouvelles entités administratives russes : la Crimée et la ville portuaire de Sébastopol. Le Conseil de la Fédération, la chambre haute du parlement russe, et la Douma, la chambre basse, avaient ratifié peu auparavant le traité sur le rattachement. Le 15 avril 2014, le Parlement ukrainien (Verkhovna Rada) a reconnu la Crimée comme territoire temporairement occupé. Malgré toutes les accusations, Moscou a nié la présence de militaires russes sur la péninsule ; mais un mois après le referendum, lors d'une "ligne directe avec le peuple", Vladimir Poutine a déclaré : "Je ne cache pas que notre objectif était d'assurer que la libre expression de la volonté de la Crimée se fasse dans de bonnes conditions. Voilà pourquoi nos troupes assuraient les arrières des forces d'auto-défense de la Crimée". De nombreux experts affirment que ces forces d'auto-défense ont été formées par les forces spéciales russes, les Spetsnaz, qui avaient déjà participé aux opérations en Tchétchénie et en Géorgie. La création par le ministère russe de la Défense d'une nouvelle décoration militaire, la médaille "Pour le retour de la Crimée", fournit une confirmation officielle de l'opération militaire russe sur la péninsule ukrainienne. L’Union Européenne critique donc l’illégalité du référendum et l’envoie de militaires en Crimée.

Les sanctions européennes

Depuis mars 2014, l'UE a progressivement imposé des mesures restrictives à l'encontre de la Russie. Ces mesures ont été adoptées en réponse à « l'annexion illégale de la Crimée et à la déstabilisation délibérée de l’Ukraine ». Elle impose différents types de mesures restrictives : diplomatiques, individuelles, et économiques.

Les sanctions diplomatiques se traduisent par un arrêt des relations bilatérales entre l’UE et la Russie, l’annulation des sommets périodiques, la suspension des discussions concernant les Visa, et le refus de l’intégration de la Russie à l’Organisation de coopération et développement économique (OCDE) et à l’agence internationale de l’énergie (AIE). Les sanctions restrictives individuelles concernent 170 personnes et 44 entités. Ces derniers ne peuvent pas entrer sur le territoire européen car leurs actions ont compromis l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. Enfin, économiquement, les mesures s'appliquent aux ressortissants de l'UE et aux entreprises établies dans l'UE. Elles sont limitées au territoire de la Crimée et de Sébastopol. Parmi ces mesures, on trouve des interdictions d’importations de marchandises en provenance de Crimée et de Sébastopol, restrictions sur le commerce et les investissements liés à certains secteurs économiques et projets d’infrastructures, interdiction frappant la prestation de services touristiques, et des interdictions d’exportation pour certains biens technologiques.

Sources :

Fondation Robert Schuman :https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/questions-d-europe/qe-327-fr.pdf

Conseil de l’Union Européenne :

https://www.consilium.europa.eu/fr/search/?keyword=Crim%c3%a9e&filetypes=PAGE&Page=2

Cairn : https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2015-1-page-159.htm

Union Européenne :https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/ukraine-crisis/

Huffingtonpost : https://www.huffingtonpost.fr/pavlo-klimkine/5-ans-apres-l-annexion-de-la-crimee-les-mensonges-et-les-crimes-russes-continuent_a_23693155/

l’OBS : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1161396-l-annexion-de-la-crimee-vue-de-russie-certains-sont-contre-mais-ne-peuvent-pas-parler.html