Le Hagakure : Remède à la crise de la civilisation européenne ?

 

Extrait du film « Ghost Dog : La Voie du samouraï » de Jim Jarmusch (1999)

 

« Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, aucun livre n’aura été condamné avec autant de véhémence que le Hagakure. Nombreux sont ceux qui pensent qu’il est responsable de l’aveuglement qui conduisit beaucoup de jeunes soldats japonais à se précipiter dans la mort plutôt que de connaître le déshonneur de la défaite, s’appropriant des mots comme "J’ai découvert que mourir est au cœur du bushidō" ».

C’est sur ces termes que s’ouvre l’introduction de la traduction du Hagakure (« 葉隠 » ; « Dissimulé par le feuillage ») proposée par Josette Nickels-Grolier. Cet ouvrage, si spécifique dans le patrimoine littéraire japonais (jalousement conservé par le clan Nabeshima pendant près de 150 ans, il ne sera publié qu’au début du XXème siècle avant d’être effectivement converti en outil de propagande dans les années 30), reste encore très controversé au Japon. Nous allons cependant montrer en quoi il peut être d’un grand intérêt pour conclure cette série consacrée à la décadence de notre civilisation.

Dans le sillage de Renan (voir article « "Qu’eût fait Napoléon avec des raisonneurs ?" »), nous avons eu tout le loisir d’étudier au cours des derniers articles (voir « La Civilisation Chrétienne, des Évangiles à la Théorie du Genre » et « "La question n’est pas de savoir comment colmater un édifice qui s’effondre" ») l’idée que l’origine de la décadence de notre civilisation chrétienne peut se trouver dans le développement du rationalisme, symptôme de la substitution progressive de l’ordre transcendant par un ordre immanent, manifestant le fait l’ordre du monde tel que se le représente la civilisation en question n’est plus fondé sur des principes extérieurs et supérieurs au monde terrestre, mais trouve son origine en lui-même et dans des principes terrestres.

Ce rationalisme est en effet vecteur d’une forme d’individualisme qui, si déconnectée de la transcendance (ce qui semble être arrivé pour la première fois dans l’histoire européenne connue, voir « "La question n’est pas de savoir comment colmater un édifice qui s’effondre" »), conduit nécessairement au développement du relativisme et à un attachement à la vie matérielle tel qu’il rend les européens incapables de « s'atteler au joug d'une grande pensée et la traîner majestueusement par le monde » (Renan).

Le cœur du processus de décadence que connut l’Europe, mais qui ne lui est pas spécifique puisque toutes les civilisations seraient amenées à connaître ce type de trajectoires jusqu’à leur effondrement final, semble en effet résider dans le triomphe du rationalisme – pourtant généralement présenté comme le sommet de la civilisation européenne. Apogée de la civilisation certes, mais apogée nécessairement suivi par un déclin, qui a commencé avec lui.

« Il ne sait pas que l’Histoire est tragique ». Une variante de cette phrase, prononcée par Raymond Aron au sujet de Valéry Giscard d’Estaing, serait parfaitement adaptée pour qualifier celui qui imaginerait encore un univers de progrès infini, un développement et un adoucissement sans fin de la vie, et l’avènement prochain d’un monde idéal. Ernest Renan, malgré sa croyance dans le « progrès infini de l’humanité », en vint à témoigner du véritable dilemme intellectuel devant lequel il se trouvait : « Si l'humanité est ainsi faite qu'il y ait pour elle des illusions nécessaires, que trop de raffinement amène la dissolution et la faiblesse, que trop bien savoir la réalité des choses lui devienne nuisible, s'il lui faut des superstitions et des vues incomplètes, si le légitime et nécessaire développement son être est sa propre dégradation, l'humanité est mal faite, elle est fondée sur le faux, elle ne tend qu'à sa propre destruction, puisque ceux qui ont vaincu grâce à leurs illusions sont ensuite entraînés forcément à se désillusionner par la civilisation et le rationalisme ».

Le rationalisme, à la fois facteur de développement et de sublimation des civilisations, est aussi le poison mortel qu’une civilisation s’injecte à elle-même, et qui provoquera sa mort au bout de siècles d’agissements. « C’est le début de la décadence depuis que la rationalité est arrivée au jour et que la foi n’a plus suffit », reconnaissait l’auteur du Traité d’athéologie Michel Onfray.

Nous nous sommes la dernière fois (voir « "La question n’est pas de savoir comment colmater un édifice qui s’effondre" ») quitté sur une interrogation qui peut prendre forme en ces termes : « Dans un contexte d’effondrement inévitable de notre civilisation et du retour de la Barbarie (entendue comme « le règne des passions et des émotions », et s’opposant à une « Civilisation » entendue de son côté comme le règne de la Raison) qui s’ensuivra nécessairement (autant par une « barbarisation » endogène des européens que par les « nouvelles invasions barbares »), peut-on, ne serais-ce que d’un point de vu théorique, imaginer une conciliation entre acceptation de la barbarie, nécessaire pour assurer sa survie (« Dans ces luttes grossières, la conscience la plus obscure est la meilleure ; la personnalité, la réflexion sont des causes d'infériorité » - Renan), et sauvegarde de la Raison et de certains acquis et valeurs qui sont au cœur de notre civilisation, et qui lui donnent son sens ? ».

Comme nous l’avions évoqué, si la seule manière de défendre notre civilisation est de nous convertir à notre tour en barbares qu’aurons-nous, en définitive, défendu ? La défense de notre civilisation suppose la défense de certaines valeurs et de certains principes. Si la seule façon de les défendre est de les abandonner, puisqu’ils sont une cause d’infériorité qui nous mènera à la défaite si nous luttons en leur nom contre les barbares, et que la seule façon de remporter la victoire consiste à tous les abandonner, quel est le sens de cette lutte ? À part peut-être pour la gloire, ou comme témoignage de l’acceptation de l’absurde et du tragique de l’Histoire dont nous témoignait Aron, quel serait le sens de tout cela ?

La constatation du revers de la médaille « Raison » que de rares Occidentaux furent en mesure de présenter n’est pas l’apanage des Modernes, ni même même des Occidentaux. Dans la Chine des Royaumes Combattants (« 战国 », « Zhànguó »), du Vème au IIIème siècle AVJC, la condamnation pure et simple de la Raison (qui découle de la condamnation du langage) est même le cœur de la pensée taoïste (« 道教 », « Dàojiào »), et en particulier de celle de Zhuangzi (« 莊子 »).

Dans une perspective peut-être plus « pratique », Yamamoto Tsunetomo (« 山本 常朝 »), l’auteur du Hagakure mentionné précédemment, traite aussi de cette question de la rationalisation, et du rôle que joue cette tendance dans ce qu’il analysait déjà dans le Japon du XVIIème siècle comme l’enclenchement d’un processus de décadence. Mais, analysant le problème sous un autre angle, les conclusions qu’en tire Yamamoto sont de nature à stimuler notre réflexion sur notre propre situation, en tant qu’européens du XXIème siècle.

Leur extrapolation pourrait en effet nous permettre de voir dans une autre perspective notre situation et, pour en revenir à notre question de l’équilibre entre la Barbarie et la Civilisation, d’imaginer un équilibre théorique entre ces deux pôles idéal-typiques (que l’idéal du gentilhomme français du XVIIème siècle tenta aussi, dans un autre registre, de réaliser). Commençons donc, en tant que conclusion et ouverture de ce dossier consacré à la décadence de notre civilisation, cette étude du Hagakure de Yamamoto Tsunetomo.

1) Yamamoto et la décadence de la noblesse samouraï

          Samouraï du clan Nabeshima, dans la province de Saga (tout comme la grande figure de la politique japonaise du XIXème siècle que fut Ōkuma Shigenobu [« 大隈 重信 »] ; voir « Le Japon sur la voie de la modernité - De 1868 à 1889 [2/2]), Yamamoto Tsunetomo est né en 1659. Serviteur du daimyō Nabeshima Mitsushige (« 鍋島 光茂  ») durant près de 30 ans, et devant l’impossibilité de pratiquer le junshi (« 殉死  », pratique traditionnelle consistant pour un serviteur à suivre son seigneur dans la mort ; interdite dans la province de Saga en 1661) après la mort dudit daimyō, Yamamoto devint moine, se retira du monde et demeura dans le petit ermitage de Kurotsuchibaru (« 黒土原 »).

L’introduction de la traduction du Hagakure de Nickels-Grolier déclare qu’« il y vécut en semi-réclusion jusqu’à la fin de sa vie ». 10 ans après son départ, il fut rejoint dans sa retraite par un jeune scribe du nom de Tashiro Tsuramoto (« 田代 陣基  »), qui resta à ses côtés entre 1709 et 1716. L’introduction de Nickels-Grolier précise : « Pendant les sept années qui suivirent, il prit en note les paroles de son maître et les compila en onze volumes, dans lesquels il intégra ses propres recherches et ses réflexions sur la philosophie de Tsunetomo. Bien que Tsunetomo lui ait demandé de réduire les volumes originaux en cendres, ou peut-être à cause de cela, le Hagakure fut recopié et circula, dès la fin de 1716, parmi les jeunes vassaux les plus aguerris du fief de Saga. (…) Tsunetomo mourut trois ans plus tard, à l’âge de soixante et un ans ».

 

Monument en l’honneur du Hagakure, Kurotsuchibaru, province de Saga, Japon

 
 
 

Yamamoto vécut donc au cour du premier tiers de l’ère Edo. Comme nous l’avons vu (voir « Le Japon est un coquillage : De 1641 à 1853 [1/2]), l’ère Edo (1603 - 1868) correspond à une des rares périodes de paix que connut le Japon, paix instaurée par la domination implacable des shogun Tokugawa sur l’ensemble de l’archipel. Cette ère de paix durable conduisit comme nous l’avons vu à une mutation du rôle de la noblesse samouraï (voir « Le Japon est un coquillage : De 1641 à 1853 [2/2]), qui connût un phénomène assimilable à la curialisation de la noblesse évoquée par Elias (voir « De l’ensauvagement de la pacification des sociétés européennes : "Et Louis XIV inventa Instagram" ») et qui fit progressivement de ces soldats implacables, ne vivant que pour la guerre, des fonctionnaires et administrateurs finement lettrés, épris d’arts et de philosophie.

            Constatant cette progressive mutation du rôle des samouraïs, et l’influence de ces mutations sur leurs comportements, Yamamoto la dénonça vigoureusement. Il la caractérise dans le Hagakure comme une marque de relâchement inacceptable pour des guerriers, et définit sans ambiguïté son époque aux mœurs adoucis et pacifiées comme une époque de décadence pour la classe des samouraïs. « Les trente dernières années ont vu beaucoup de changements dans notre manière de vivre. Chaque fois que des jeunes samouraïs se rencontrent aujourd’hui, si la conversation ne tourne pas autour de la fortune des uns et des autres, de leurs pertes et de leurs gains, du train de vie de leurs maisonnées et n’est pas agrémenté de commentaires sur les modes vestimentaires ni de commérages sur la vie privée, ils ne voient pas l’intérêt de se retrouver. Que les mœurs actuelles sont déplorables et nécessitent une bonne remise en ordre ! » (Hagakure, Premier volume, p.80).

Si le sens de la vie du samouraï est en effet, selon Yamamoto, étroitement lié à sa vocation guerrière, cette vie nécessite, bien plus profondément que des aptitudes physiques, une attitude et des dispositions mentales particulières. Cette attitude correspond en particulier à un engagement sans limite et permanent du samouraï pour son daimyō (« 大名 », « seigneur ») et son domaine, engagement qui suppose un sacrifice total de sa vie qui doit être dédiée toute entière au daimyō. Toutes les actions et toutes les pensées du samouraï doivent être orientées dans le sens de l’accomplissement de son devoir et de la fidélité au daimyō. Mais en cette période de paix, où les samouraïs n’ont plus besoin de jouer leurs vies sur le champ de bataille, Yamamoto constate que cet engagement semble avoir perdu de son sens, et que la « fidélité absolue » du samouraï envers son daimyō n’est plus grand-chose d’autre, dans la majorité des cas, qu’une simple apparence.

Observant ses contemporains, et en particulier les jeunes, Yamamoto voit cet idéal de loyauté absolue et de subordination de la vie du samouraï derrière les intérêts de son domaine et de son daimyō disparaître peu à peu au profit de l’appât du gain. Il dénonce régulièrement le règne des valeurs pécuniaires et l’attrait pour les richesses, qui selon lui étaient absents chez les samouraïs des générations précédentes, ainsi qu’une certaine « féminisation » des comportements des nouvelles générations. « Les jeunes gens montrent aujourd’hui une certaine propension à se montrer efféminés. De nos jours, les hommes d’un naturel heureux, aimable, affable ou doux sont considérés, sans plus de raison, comme des hommes estimables. Pourtant, cette tendance les prive de l’agressivité et de la hardiesse nécessaire à toute entreprise » (Hagakure, Deuxième volume, p.162).

            Yamamoto porte donc un regard très sévère sur son milieu et sur la « nouvelle génération » de samouraïs qu’il observe autour de lui. C’est ce constat et ce portrait qu’il dresse de ses contemporains qui justifie le développement de sa pensée, qui entend mettre en lumière les défauts qu’il perçoit chez les samouraïs de son époque afin de les inciter à se corriger et à revenir aux fondements du « bushidō » (« 武士道 », « la voie du guerrier »), de ce qui fait l’esprit et le sens de l’existence des samouraïs. À noter par ailleurs que cette idée de « bushidō » est un idéal formulé très spécifiquement au cours de l’ère Edo, dans cette époque où les samouraïs s’éloignaient de plus en plus des guerriers qu’étaient leurs ancêtres qui croisaient le fer toutes leur vie durant sur les champs de bataille.

Le bushidō peut en ce sens être considéré, de façon générale, comme un outil mobilisé par des penseurs éminemment réactionnaires qui témoignaient de cette décadence que représentait à leurs yeux l’évolution de la condition de samouraï au cour de l’ère Edo. Ils appelaient leurs semblables, à partir de ce concept de bushidō, à renouer avec ce qu’aurait été, dans leur vision, les « valeurs des ancêtres ». La pensée de Yamamoto s’inclue parfaitement dans ce schéma : il s’agit d’une pensée qui se veut réactionnaire, et à visée éminemment pratique.

 

« 武士道 » (« bushidō », « la voie du guerrier »)

 

2) « La Raison » et « l’attachement à la vie » : des obstacles au bushidō

La pacification de la vie au Japon aurait donc entraîné un relâchement des samouraïs qui, désormais loin des champs de batailles, auraient perdu les habitudes qui faisaient la valeur de leurs ancêtres en tant que guerriers et serviteurs de leurs daimyō. Yamamoto aurait sans doute reprit ces mots de Renan, et n’aurait pas hésité à qualifier ses contemporains de « génération d'égoïstes, qui a grandi à l'ombre d'une longue paix » (voir « "Qu’eût fait Napoléon avec des raisonneurs ?" »). Son objectif consiste donc à les inciter à renouer avec ces habitudes et ces valeurs qu’il présente comme celles du bushidō. Il s’adresse donc directement à ses contemporains.

Mais là où son ouvrage devient particulièrement intéressant pour notre sujet, c’est lorsqu’il évoque deux autres des maux qui ruineraient les samouraïs de son époque, maux plus profonds encore qu’un simple attachement à la richesse ou une féminisation des comportements car, d’une certaine manière, les déterminants. Le premier de ces maux est présenté de façon explicite comme l’attachement à la vie, caractéristique des sociétés individualistes. Rappelant ce qu’est la véritable « voie du guerrier », le bushidō, Yamamoto le résume à un principe fondamental : « l’acception de la mort ». Dans ce célèbre passage au tout début du Hagakure, tant décrié après la Seconde Guerre Mondiale pour son instrumentalisation de la part des autorités de l’Empire du Japon, Yamamoto affirmait :

            « J’ai découvert que mourir est au cœur du bushidō. Lorsque confronté à deux alternatives, vivre ou mourir, sans hésitation, il nous faut choisir la mort. Il n’y a rien là de bien difficile ; il suffit d’être résolu et d’aller de l’avant. Alors que d’aucuns prétendent que "mourir sans accomplir son destin, c’est mourir de manière futile", une telle condescendance ne peut être le fait que de samouraïs de cour. Acculés à choisir entre deux alternatives, vivre ou mourir, il est difficile de prévoir qui fera le bon choix. Il est clair que tout le monde préfère la vie à la mort ; et que nous sommes tous capables de nous trouver de bonnes raisons pour rester en vie. Mais, dès lors qu’un homme sauve sa vie sans avoir accompli son destin, il est considéré comme un lâche ».

- Yamamoto Tsunetomo, Hagakure, Premier volume, pp.44-45, Budo Éditions, 2005.

 

            Ce qui fait, selon Yamamoto, toute la différence entre les « vrais samouraïs », « véritablement loyaux envers leurs seigneurs », et les « samouraïs de cour », c’est la capacité des premiers à embrasser la mort sans aucune hésitation pour accomplir leur devoir. Plus encore que l’acceptation de la possibilité de sa propre mort, Yamamoto affirme que le guerrier se doit de faire de la mort la cœur de son engagement, car c’est dans cette acceptation de la mort, qui peut aussi se comprendre négativement comme une « renonciation à la vie », que se trouve le cœur de la valeur d’un samouraï.

Un « samouraï de cour », aussi intelligent et cultivé soit-il, n’est jamais utile qu’en tant de paix, et n’est donc en définitive que de peu d’utilité ; les seuls samouraïs sur lesquels un daimyō puisse vraiment compter sont ceux qui lui restent fidèles en toute circonstance, et surtout en temps de crise. Et les seuls qui soient aptes à assurer leur rôle en toute circonstance sont ceux qui font du sacrifice de leurs vies le cœur de leur engagement. « Tous les hommes (…) remarquablement intelligents ou indéniablement talentueux pensent qu’ils sont les seuls à être indispensables au seigneur, mais, lorsque le moment est venu de donner leur vie pour le seigneur, ils ne sont plus alors que des hommes dont la faiblesse fait honte à voir. Dans l’adversité, un homme qui a renoncé depuis longtemps à sa vie pour ne faire plus qu’un avec son seigneur est de taille à lutter contre vents et marées, même s’il ne s’agit que d’un homme ordinairement de peu d’utilité » (Hagakure, Premier volume, p.50).

            Plus encore que le détachement vis à vis de sa propre vie, le deuxième élément que Yamamoto condamne comme un frein à l’efficacité du service d’un samouraï est la rationalité. Il condamne non seulement la rationalité au moment de passer à l’action (« Lorsque vous êtes décidés à tuer quelqu’un, ne laissez jamais la raison vous guider. "Je risque d’échouer si je charge l’adversaire de face. Il faut que je m’y prenne différemment, d’une manière plus détournée", autant de tergiversations qui vous feront perdre un temps précieux et affaibliront votre volonté première, ce qui, le plus souvent, nuira à votre réussite » [Hagakure, Premier volume, p.128]), mais aussi la rationalité de manière générale. Il affirme : « Il est détestable de vouloir rechercher une forme de logique qui rendrait plausible la loyauté, la justice et bien d’autres choses » (Hagakure, Premier volume, p.132).

            Yamamoto revient abondamment sur ce phénomène : la volonté de tout intellectualiser et de tout rationaliser, qu’il voyait déjà chez ses contemporains, est condamnée comme un élément affaiblissant le cœur et le courage des hommes. « L’intellectuel », qui cherche raison et rationalité partout, est dépeint comme un individu fade, incapable d’accomplir quoi que ce soit de grand par excès de modération. Il est surtout dépeint comme un homme qui, au nom d’une soi-disant rationalité supérieure aux instincts qui le guiderait et ferait de lui un « homme supérieur », est manipulé par son égo : « Bien que nombreux sont ceux qui considèrent qu’il suffit de bien réfléchir pour trouver une solution, même aux problèmes les plus ardus, dès lors que l’intérêt personnel prévaut dans leur jugement, il n’en sort rien de bon quelle qu’ait été la profondeur de leur réflexion » (Hagakure, Premier volume, p.46).

Le rejet de la rationalité rejoint finalement le nécessaire détachement vis-à-vis de sa propre vie dans le sens ou si l’homme veut être capable de sacrifier sa vie au service d’une cause qui le dépasse et qui transcende son existence individuelle, il est nécessaire pour lui de renoncer à toute forme de rationalité car « il est clair que tout le monde préfère la vie à la mort ; et que nous sommes tous capables de nous trouver de bonnes raisons pour rester en vie ». Plus précisément encore, Yamamoto affirme : « Un homme calculateur, qui balance toujours entre pertes et profits, ne peut se défaire de ce schéma de pensée, et considère la mort comme une perte et la vie comme un profit – détestant la première, il finit toujours par devenir un parfait poltron » (Hagakure, Premier volume, pp.97-98).

La Raison est donc le principal frein au sacrifice de sa vie, et si le samouraï veut pouvoir être en mesure de renoncer à la sienne pour accomplir son devoir en toute circonstance et subordonner son existence individuelle à l’accomplissement d’une œuvre qui la dépasse, il doit nécessairement cesser de raisonner, et renoncer à être guidé par la Raison.

            L’ancien samouraï du clan Nabeshima ne dit en définitive pas autre chose que Renan, et pose le même diagnostic que lui lorsqu’il affirmait dans L’Avenir de la science : « L'homme réfléchi, au contraire, calcule trop bien son intérêt et se demande avec le positif qu'il porte en toute chose si c'est bien réellement son intérêt de se faire tuer ». L’homme rationnel, l’intellectuel, et en définitive « l’homme civilisé », n’est plus capable d’accepter de mettre sa vie en jeu, n’est plus en mesure de la sacrifier au nom d’une cause qui dépasse sa propre individualité, « dit Moi avec une énergie sans pareille » (Renan). Yamamoto explicite clairement aussi cette idée : « Il n’est pas possible de demander à un homme normal et sain d’esprit d’accomplir une tâche qui demande de la démesure. Ce n’est qu’au travers de la folie, lorsque l’homme atteint un état qui dépasse la raison et les considérations personnelles, qu’il peut accomplir une telle tâche. De même, un homme qui s’appuie sur la raison se trouve relégué loin derrière les autres dans la quête du bushidō » (Hagakure, Premier volume, p.100).

 

À gauche : Ernest Renan (1823 – 1892) ; À droite : Tsunetomo Yamamoto (1659 – 1719

 


Mais alors que Renan se bornait à un simple constat du phénomène, et en concluait que la rationalisation et la civilisation menaient inexorablement à la décadence sans qu’on ne puisse rien y faire, Yamamoto tente d’aller plus loin et de contrecarrer le phénomène. Renan se limite à une position d’esthète, ce constat posé, il s’empresse de réaffirmer sa foi dans le progrès et la bonté de l’espèce humaine (« Pour moi, je verrais l'humanité crouler sur ses fondements, je verrais les hommes s'égorger dans une nuit fatale, que je proclamerais encore que la nature humaine est droite et faite pour le parfait, que les malentendus se lèveront et qu'un jour viendra le règne de la raison et du parfait. Alors on se souviendra de nous, et l'on dira : "Oh ! qu'ils durent souffrir !" ») ; Yamamoto, de son côté, prend acte de cette situation et tente d’établir des solutions « pratiques » pour aller à l’encontre de cette rationalisation-décadence.

Il tente de promouvoir l’idéal d’un homme qui, toute sa vie durant et au nom de la loyauté absolue envers son daimyō et ses devoirs, cultive quotidiennement et inlassablement le détachement vis-à-vis de sa propre vie, pour obtenir ce « mépris » vis-à-vis d’elle dont parle Renan. Le samouraï, pour être en mesure d’accomplir correctement son devoir, doit lutter contre la rationalité et ses méfaits par une volonté explicite d’embrasser l’excès et la démesure (« Les Anciens nous enseignent que le samouraï doit se montrer excessif jusque dans son obstination » [Hagakure, Premier volume, p.128]).

            Concrètement, Yamamoto propose un certain nombre de technique pour obtenir ce résultat. Il conseille par exemple au samouraï de se représenter la vie comme un « songe creux » (Hagakure, Premier volume, p.150), ou de méditer régulièrement sur sa propre mort : « En se préparant chaque matin et chaque soir à une mort imminente, l’homme ne fait plus qu’un avec le bushidō, il est alors capable de servir son seigneur toute sa vie durant sans jamais faire le moindre faux-pas » (Hagakure, Premier volume, p.45). Yamamoto va jusqu’à affirmer plus loin qu’en définitive, le véritable samouraï ne doit se considérer que comme un simple « mort en sursis » (Hagakure, Premier volume, p.61). La couleur était annoncée dès le début de l’ouvrage : « J’ai découvert que mourir est au cœur du bushidō ».

3) Vers un équilibre entre « Barbarie » et « Civilisation » ?

Est-ce à dire que, pour lutter contre les méfaits de la rationalisation, donc du cœur du processus de civilisation tel que définit précédemment, et le phénomène de décadence relatif qu’il engendre, Yamamoto propose de l’abandonner et de renouer franchement avec la Barbarie ? Les samouraïs, et de façon générale l’ensemble du Japon dont ils sont l’élite, doivent-ils se tenir à l’écart du processus de Civilisation ? Pas le moins du monde. L’ancien samouraï de Saga, tout en affirmant l’aspect néfaste pour les guerriers de la rationalité, des arts, des lettres, et de façon général de tout ce qui les sort de leur condition de guerriers amenés à mourir sur le champ de bataille, nourrit un profond respect pour la culture. Le passage suivant est sans équivoque :    

 

            « Il est souhaitable qu’un serviteur se consacre uniquement aux devoirs liés à sa charge officielle. Si ce n'était pas le cas, il pourrait trouver plus judicieux de se consacrer, avec toute la ténacité dont il est capable, à démêler le pour et le contre en toute chose, à percevoir l'évanescence du monde et à imiter la vie des reclus (...). Il étudierait le bouddhisme pour se libérer de l'angoisse existentielle de la vie et de la mort, il se divertirait de poésie et de musique, il s'impliquerait dans des réalisations purement esthétiques, et ferait bien d'autres choses encore. Alors que cette façon de vivre, qui ne vise qu'à la réalisation personnelle et à la purification de l'âme, peut sembler appropriée dans le cas d'un samouraï retiré du service ou d'un reclus, elle est interdite à un vassal qui serait toujours en service actif. Les serviteurs qui recherchent ce mode de vie ne sont que des poules mouillées car, en cherchant une vie sans contrainte, ils souhaitent échapper aux soucis permanents liés à leur fonction. (...) D'aucuns prétendent que se divertir pendant les rares moments de liberté volés à son service officiel est tout à fait autorisé. C'est vrai, tant que cela ne gêne pas le service. Cependant, lorsque l’esprit n'est préoccupé que des devoirs de sa charge, il ne reste que peu de place pour de tels passe-temps. Lorsqu'un serviteur a du temps à perdre à ce genre d'occupations, cela ne signifie qu'une seule chose : l'homme n'est pas réellement investi dans les devoirs de sa charge.  À cet égard, les paroles d'un samouraï aguerri prennent tout leur sens. Lorsque Yamazaki Kurando était encore au poste de conseiller, nombreux étaient les vénérables conseillers qui aimaient à écrire des haiku alors qu'ils séjournaient tous dans le palais du seigneur, excepté un. Kurando refusa toujours de se joindre au groupe de haiku et n'y participa jamais. En quittant la pièce, il aimait à dire: "Messieurs, profitez bien du plaisir des haiku maintenant que votre service est terminé." Respectueux de ses propres paroles, après qu'il ait quitté sa charge, il consacra ses heures de liberté à composer des haiku. »

- Yamamoto Tsunetomo, Hagakure, Deuxième volume, pp.151-153, Budo Éditions, 2005.

 

            La culture, la poésie, le bouddhisme, ne sont pas condamnés en soi. Yamamoto lui-même, après la mort de son seigneur, devint moine bouddhiste. La culture et la rationalité ne sont condamnées qu’en tant qu’élément qui viennent perturber le samouraï dans l’accomplissement de son devoir et y faire obstacle, ledit devoir consistant à maintenir une fidélité à toute épreuve envers son daimyō, et à être en mesure de mourir pour lui sans faillir au moment crucial. Aussi lorsque un homme se trouve au service d’un daimyō, il doit refuser toute élément qui serait en mesure de venir l’empêcher d’accomplir son devoir : tout ce qui développe alors, directement ou indirectement, un attachement à la vie qui viendrait faire hésiter le samouraï qui devrait la sacrifier pour accomplir son devoir, doit être rejeté. La vie du guerrier doit rester frustre et brutale, pour que le samouraï n’ait aucun remord à l’abandonner pour accomplir son devoir. Mais une fois que le samouraï n’est plus tenu par sa charge, il est libre d’embrasser pleinement les arts, la philosophie ou la religion – ce que Yamamoto lui-même ne manquera pas de faire une fois libéré de son serment après la mort de son daimyō, qu’il suivit symboliquement dans la tombe en se retirant de la vie et devenant moine. 

            Le cœur de la pensée de Yamamoto consiste, selon nous, à chercher l’équilibre entre Barbarie et Civilisation, entre pulsionnel et rationnel. Il ne condamne la rationalité que parce qu’il estime qu’à son époque, cette dernière a prit le pas sur l’aspect pulsionnel et animal des samouraïs qui les rendait aptes à accomplir leur devoir en sacrifiant leur vie pour une cause supérieur à leur individualité – attitude que la rationalisation des mentalités menace directement. Cette idée que la Civilisation et la rationalité ne sont pas condamnées en soi permet par ailleurs de résoudre ce paradoxe faisant que c’est en faisant preuve de rationalité, par le raisonnement et la justification de sa pensée, que Yamamoto dénonce la rationalité. Le samouraï doit assumer un certain nombre de responsabilité pour son daimyō, l’accomplissement de ce devoir passant avant son épanouissement, son salut personnel ou la quête de la vérité, qu’il pourrait poursuivre par les arts, la philosophie ou le religion. Lorsque le samouraï est en service, il doit se consacrer pleinement à sa tâche, et savoir pour être le plus efficace dans cette tâche se convertir par acte de volonté en un véritable barbare, dont le secret de la force vient comme le disait Renan de son mépris pour la vie, qu’il peut ôter ou se voir ôtée sans la moindre vergogne. « De là ce mépris de la vie humaine (de la sienne comme de celle des autres) qui fait tout le secret de l'héroïsme du barbare » (Renan).

            À la différence de l’authentique barbare, qui se comporte de cette façon de manière instinctive et pulsionnelle, le samouraï de Yamamoto choisit par un acte de volonté et de rationalité d’être un barbare. Parce qu’en suivant la pensée de Yamamoto, le samouraï considère qu’être un barbare dominé par les passions et les instincts est rationnellement la meilleure façon d’accomplir son devoir sans faillir. En ce sens nous pouvons dire, en assumant le paradoxe apparent, que l’essence du bushidō tel que définit par Yamamoto Tsunetomo consiste en la volonté rationnellement justifiée de redevenir un barbare. Le bushidō de Yamamoto correspond donc à une tentative d’équilibre entre la Civilisation et la Barbarie, car le choix de la Barbarie est justifié par des méthodes d’homme civilisé. Le samouraï tel que dépeint par Yamamoto représente donc un idéal-type du « barbare civilisé », qui cumule en lui-même ne serais-ce que théoriquement cet équilibre que nous recherchions.

            Si Yamamoto promouvait cet idéal, qu’il présentait comme inspiré de ce qu’étaient les samouraïs du passé dotés de valeurs et d’attitudes que les nouvelles générations auraient perdues, il était cependant parfaitement conscient du fait qu’il n’était pas possible de revenir à la situation qui prévalait lors des siècles précédents. Dans ce passage parfaitement révélateur du Hagakure, Yamamoto présente une vision eschatologique du temps qui passe, en soulignant le fait qu’il ait parfaitement conscience qu’on ne peut que s’inspirer du passé sans jamais pouvoir le rétablir :

 

            « La tendance qui prévaut aujourd’hui ne peut être inversée. La corruption gagne de plus en plus notre société et nous rapproche inexorablement du jour du jugement dernier, ce qui est dans la nature des choses. Même l’année comporte des saisons différentes, elle n’est pas uniquement constituée d’un printemps et d’un été qui se la disputeraient ; il en va de même pour la journée dont la face change à chaque instant. De ce fait, toute tentative qui viserait à ramener la société actuelle cent ans en arrière ne pourrait aboutir, malgré les bienfaits recherchés. Ce fait nous contraint à tout tenter pour continuer à nous améliorer, en prenant en compte les tendances toujours changeantes du temps qui passe. C’est en cela que les hommes qui considèrent le passé avec nostalgie se trompent, car ils ne peuvent comprendre le caractère particulier du changement. D’un autre côté, ceux qui ne voient que par le présent ont tendance à négliger les anciennes coutumes et manquent de prudence en adoptant une attitude superficielle. »

- Yamamoto Tsunetomo, Hagakure, Deuxième volume, pp.143-144, Budo Éditions, 2005.

 

            Si le « jour du jugement dernier » se rapproche, que la décadence est inexorable et qu’il n’y a aucun moyen de corriger le tir, comment comprendre l’attitude de Yamamoto ? Quels effets cherche-t-il donc à produire, si « la tendance qui prévaut aujourd’hui ne peut être inversée » ? La clé nous semble se trouver dans cette phrase : « Ce fait nous contraint à tout tenter pour continuer à nous améliorer ». Il semblerait que l’objectif de Yamamoto ne soit pas de corriger la société japonaise, ou d’empêcher le processus de décadence ; celui-ci est présenté comme inéluctable et inexorable, « dans la nature des choses ». Yamamoto cherche bien plus sûrement à aider des individus isolés à « s’améliorer », à s’élever, et à corriger leurs attitudes au niveau individuel, en parvenant de façon personnelle et malgré la décadence environnante à rester des hommes dignes et à réaliser en eux-mêmes, dans une société condamnée à l’effondrement, ce nécessaire équilibre entre Barbarie et Civilisation qui les amènera à éviter les deux formes de décadences suscitées par la domination totale et sans partage de la rationalité ou du pulsionnel.

            Yamamoto condamne l’individualisme et l’attachement à la vie personnelle et à l’ego, ce qui peut sembler contradictoire avec l’idée que la seule chose à laquelle il faille s’intéresser soit le « salut individuel ». Il apparaît en effet paradoxal d’affirmer que sa philosophie s’adresse à des individus, alors qu’elle exhorte les hommes à renoncer à leurs existences individuelles au profit d’un objectif supérieur. Mais, et c’est ici que l’influence du bouddhisme sur sa pensée est incontestable, Yamamoto se base sur la conception bouddhiste de l’individu, position complexe et paradoxale qui fait de cet individu le centre de l’expérience bouddhiste (le bouddhisme est l’une des rares doctrines religieuses, avec le christianisme, qui ne se préoccupe pas de politique) tout en niant l’existence d’un Moi autonome et permanent au nom de l’impermanence et de l’interdépendance de toute chose (nous renvoyons sur cette question les lecteurs désireux d’en savoir plus aux références traitant de la notion d’individu dans le bouddhisme, et en particulier à l’article de Frédéric Girard).

            La conclusion que l’on peut tirer du Hagakure semble être, en définitive, que si tenter de faire obstacle au processus de décadence est vain, il convient cependant aux hommes qui vivent ces périodes de ne pas se laisser happer par le mouvement général de décadence et de rester dans le Vrai. Cet exemple de conciliation entre la Barbarie et la Civilisation, d’individus à la fois rationnels et capables de maîtriser leurs passions, de philosophes, d’hommes de sciences et de lettres, d’artistes, mais qui seraient tout à la fois capable de la plus grande sauvagerie et de la barbarie la plus extrême, d’être des hommes parfaitement capables de renoncer à toute existence individuelle, et capables de ce mépris pour la vie dont parlait Renan leur permettant de l’ôter ou de se la voir ôtée sans la moindre vergogne – faisant en définitive d’eux des combattants hors pairs parfaitement en mesure de défendre leur civilisation –, ne pourra véritablement s’imposer comme autre chose qu’un idéal au niveau individuel.

            C’est aux individus de chercher à réaliser en eux-mêmes cet équilibre entre Barbarie et Civilisation, d’incarner le juste milieu entre ces deux idéaux-types correspondant à l’« homme idéal » - cette idée pouvant ainsi s’assimiler, bien que l’expression soit en apparence contradictoire avec le propos du Hagakure, à la formule par laquelle Miyamoto Musashi (« 宮本 武蔵 ») synthétise sa conception du bushidō dans le Gorin no sho (« 五輪書 » ; « Traité des Cinq Roues ») : la « double Voie de la Plume et du Sabre ». C’est aux individus que s’adresse Yamamoto – le Hagakure est bien plus un ouvrage d’étique individuel à suivre dans un univers décadent qu’un traité politique qui vise à changer la société. Les hommes rationnels de notre époque, s’ils veulent être en mesure d’être d’une quelconque utilité dans les temps qui viennent, doivent être en mesure de laisser de côté la rationalité qui a prit le pas sur tous les aspects de leurs vies pour savoir retrouver une dose de barbarie lorsque la situation l’exigera, réalisant en eux-même cet équilibre en lequel consiste le bushidō.

Conclusion

Abandonner l’idée de redresser la situation et de revenir à un « âge d’or » au niveau collectif, pour se recentrer sur la discipline individuelle et se corriger soi-même. « Chercher le salut » au niveau individuel, et être conscient qu’on n’arrêtera jamais le processus de décadence, intrinsèque au mouvement de la vie. C’est finalement cette idée qui émerge à l’issue de l’étude du Hagakure. Elle n’est cependant en rien une idée « originale », venue de la pensée des civilisations d’Extrême-Orient. Jordan Peterson, professeur de psychologie à l’université de Toronto et intellectuel canadien, la présentait même comme étant le cœur de la civilisation chrétienne.

            « En résumé voici l’histoire de l’Ancien Testament : Israël est une sorte de puissance moyenne, qui monte à un niveau de pouvoir et de domination. Alors un prophète surgit et dit : "Regardez, vous avez tout réussi, et vous commencez à vous corrompre. (…) Vous ne gérez pas l’État selon le principe supérieur". Vous pourriez me dire : "Le principe supérieur n’existe pas". "D’accord, continuez donc de cette façon et vous verrez ce qui se passera". C’est ce que dit le prophète, habituellement au péril de sa vie. Il dit cela au roi. Il dit : "Bien, vous ne croyez pas en Dieu, vous ne croyez pas au principe supérieur (…). Pas de problème, continuez comme ça. Nous verrons ce qui se passera".

           Eh bien, ce qu’il se passe c’est qu’Israël est anéanti, et ensuite pendant plusieurs générations, il est asservi, ou sa population est détruite. Et puis il titube à nouveau vers le pouvoir. Il devient puissant pour une brève période de temps, et il devient corrompu. Un prophète arrive et dit : "Vous rappelez-vous de ce principe supérieur auquel vous vous êtes engagés ? Vous n’y prêtez plus aucune attention. Vous devriez faire très attention". Et tout le monde l’ignore, et BANG. C’est : Ordre-Corruption-Chaos, Ordre-Corruption-Chaos… Cela arrive six fois.

            Mais (…) vu que l’État continue de resurgir [après les catastrophes], une idée émerge. C’est l’objectif de l’État parfait. C’est un rêve utopique qui découle de ce processus vécus à travers plusieurs millénaires : "Si nous pouvions seulement obtenir l’État parfait, disons, comme l’État d’Israël, ou l’État Soviétique, l’État Communiste. Si nous pouvions seulement apporter l’utopie au niveau politique, nos problème seraient résolus".

            Alors, (…) il y a une transition dans la conceptualisation, qui se produit avec le Nouveau Testament. Et la conceptualisation dans le Nouveau Testament est : "Attendez une minute, l’État n’est pas le salut. L’individu est le salut".

            Eh bien, dites-moi, devrions nous ignorer cela, le devrions-nous ? C’était une grande découverte. Mais il y a plus encore, ce n’est pas seulement le salut individuel, c’est l’individu authentique qui est le salut. Pensez juste à la difficulté de développer un concept comme celui-ci. Il n’y a rien de moins évident que ça. Parce que vous pourriez vous dire : "Qui va diriger la hiérarchie dominante ? Eh bien, le plus gros monstre sanglant avec une massue". Mais non, (…) ces sociétés sont instables, elles ne fonctionnent pas. Elles s’effondrent dans le chaos. Elles se corrompent, elles perdent de vue le principe supérieur, quel qu’il soit. La solution stable, c’est l’individu qui dit la vérité.

            Ça nous a pris une éternité pour comprendre cela. Et c’est l’une des choses dans le viseur des postmodernistes. (…) Alors nous devons devenir cultivés sur ces choses, ou nous allons les perdre sans les avoirs comprises. Elle est incroyable cette histoire. C’est l’histoire sur laquelle se fonde la civilisation occidentale. »

- Jordan Peterson, The Joe Rogan Experience #958, mai 2017.

            Le meilleur régime possible, « l’État idéal », « l’utopie politique », la volonté d’établir le « paradis sur Terre », de rétablir le Jardin d’Éden ici-bas, se termine toujours pas des catastrophes ; la décadence et la corruption sont intrinsèques à tout ce qui existe, y compris les constructions politiques ; le salut, la « vie bonne », la vie « en conformité avec l’ordre naturel », n’est accessible de façon définitive que par la discipline individuelle. Bien que le point de départ de la réflexion, l’apparence et la portée du message soient complètement différents, ce détour par le Japon du XVIIIème siècle et le Hagakure nous permet en définitive de revenir au message chrétien, et même au cœur de la civilisation Occidentale. Car cette idée, moelle épinière du Nouveau Testament et du message du Christ, correspond aussi à l’aboutissement de la pensée des Anciens, qui le précédèrent. Philippe Bénéton, dans son Introduction à la politique, met en effet en avant cette interprétation de la démarche des philosophes grecs :

            « Quel est donc le meilleur régime ? La question a une réponse en quelque sorte naturelle : le meilleur gouvernement est le gouvernement des meilleurs. Mais qui en l’occurrence sont les meilleurs ? La nature de la politique détermine quelles sont les qualités qui priment. (…) Parce que le pouvoir politique a pour fin la vertu, le titre pour l’exercer est la sagesse. Il serait absurde de limiter la pratique de la sagesse par des règlements quelconques ou de soumettre le gouvernement des sages au contrôle de ceux qui ne le sont pas. Aussi, le gouvernement des sages devrait-il être un gouvernement absolu. C’est la solution radicale exposée par Platon dans la République : le gouvernement des philosophes-rois. (…)

            Comment établir un tel gouvernement ? Quelques sages ne peuvent gouverner la foule des non-sages par la force. Il faut que la sagesse des gouvernants s’appuie sur le consentement des gouvernés. Mais la philosophie est suspecte aux yeux de la foule parce qu’elle met en question les opinions dont les acteurs se réclament. Quelles chances ont les philosophes de convaincre les non-philosophes que la philosophie doit gouverner ? (…)

            Platon prenait-il vraiment au sérieux les possibilités de réalisation de ce meilleur régime ? "Platon, écrit Cicéron, créa une cité plus conforme à son désir qu’à son espoir" (De la République, II, 30). La cité juste ou harmonieuse, celle qui est en accord avec l’excellence humaine, a toutes chances de rester une cité "en paroles". Il s’ensuit que la cité réelle ne saurait satisfaire les besoins les plus élevés de l’homme. Platon dit entre les lignes les limites du politique. (…)

            Les limites de la politique tiennent aussi à une autre raison fondamentale : le bien le plus élevé échappe à la politique. L’enquête menée par Platon conduit à ceci : la vie la meilleure est la vie philosophique, c’est-à-dire la vie consacrée à la contemplation. Aristote à sa manière aboutit à la même conclusion. La question de l’excellence humaine ou du bonheur – la question socratique par excellence – n’a de réponse qu’au-delà de la cité. La réflexion philosophique sur les choses humaines et sur la politique débouche sur l’éloge d’un mode de vie apolitique, le mode de vie philosophique. (…)

            En un sens, la philosophie politique des Grecs est modérée. En un autre sens, cette philosophie, ou du moins celle de Platon, est radicale. Elle conclut au divorce, davantage encore au conflit, entre la philosophie et la politique. Le divorce tient à ceci : 1) Sauf chance exceptionnelle, la philosophie est impuissante à s’imposer dans la cité et à gouverner la politique ; 2) D’un autre côté, elle est à elle seule suffisante pour le petit nombre d’élus qui s’y consacrent et qui par elle peuvent accéder à la vie la plus haute et au bonheur. Quant au conflit, il résulte de cela : 1) La philosophie poussée jusqu’au bout sape les opinions ou conventions qui sont au fondement de toute cité ; 2) Elle reste toujours étrangère au grand nombre, par voie de conséquence elle est mal aimée dans la cité et elle ne peut que l’être davantage quand elle se révèle subversive. La philosophie et la politique sont condamnées à ne pas s’entendre. » - Philippe Bénéton, « I – Le projet philosophique et l’art de la politique », dans Introduction à la politique, pp. 28-34, PUF, 2010.

            La pensée de Platon et d’Aristote déjà aboutissait à la même conclusion, que réaffirma le christianisme quelques siècles plus tard : le salut de l’humanité ne peut pas passer et ne passera jamais par la politique. Platon développa sur des pages et des pages la façon de mettre en place la cité idéale, pour aboutir en définitive à la conclusion qu’elle était impraticable, et que la seule façon de parvenir à mener sa vie selon le Bien était de s’adonner individuellement, seul ou avec une minorité de pairs, à la pratique de la discipline philosophique.

            L’homme ne peut mener sa vie selon le Bien qu’en pratiquant individuellement la philosophie, en dernière instance incompatible avec la politique, disaient les Anciens. Les premiers chrétiens appelaient au détachement vis à vis des choses de ce monde, qui n’est pas le « vrai monde », la réalité étant avant tout transcendante ; et l’accès à la transcendance ne se gagne que par la foi et le rapport individuel avec Dieu. Considérant la décadence inévitable, Yamamoto appelle aussi entre les lignes, à renoncer à tout projet visant à contrer le phénomène de décadence,  et à se concentrer plutôt sur sa quête individuelle du bushidō. « La tendance qui prévaut aujourd’hui ne peut être inversée. La corruption gagne de plus en plus notre société et nous rapproche inexorablement du jour du jugement dernier, ce qui est dans la nature des choses », disait-il.

            Le cœur du message du Hagakure, bien plus qu’un témoignage typiquement japonaise sur l’évolution de la condition des samouraïs de l’ère Edo, peut s’interpréter comme une réflexion intemporelle qui tente d’éclairer les hommes sur la façon de mener la meilleure vie possible. Le christianisme, la philosophie des Anciens et le bushidō de Yamamoto, malgré leurs différences apparentes, semblent au fond tous aboutir à la même conclusion : le salut de l’humanité et la vie juste ne passeront jamais par la politique. Il n’est pas possible, à notre échelle, de « sauver le monde », et dans notre cas de « sauver la civilisation » de la décadence.

            Il faut cependant se garder d’interpréter cette centralité de l’expérience individuelle comme un encouragement à l’individualisme et un appel à l’attachement à la vie terrestre : de la même manière que Yamamoto appelait inlassablement à la « renonciation à la vie » (« J’ai découvert que mourir est au cœur du bushidō »), Peterson suggère que le christianisme complète son appel à la quête du salut individuel par une exhortation à « l’acceptation de la mort » (qui n’est pas à craindre puisque qu’elle ne concerne que le « monde intelligible », qui n’est en définitive pas le « vrai monde » ; voir « La Civilisation Chrétienne, des Évangiles à la Théorie du Genre »). Il affirme : « Une des caractéristiques de l’image mythologique du Christ, c’est qu’il accepte le fardeau de la mortalité volontairement. Il l’accepte, comme une condition préalable de l’existence. C’est que symbolise, en partie, le crucifix, parce qu’il a été accepté volontairement. Vous devez accepter votre mort volontairement ». Et les philosophes ne sont pas en reste quand à cette idée, l’acceptation par Socrate de sa condamnation à mort par la cité représentant là encore parfaitement cette nécessité pour le sage d’accepter par acte de volonté sa propre mort. La centralité de l’expérience individuelle dans la quête de la « bonne vie » couplé à l’acceptation de la mort sont ainsi deux idées au fondement de la civilisation Occidentale, que nous sommes en mesure de retrouver en effectuant ce détour par le Hagakure de Yamamoto.

 

« La mort de Socrate », François-Xavier Fabre, 1802

« Crucifixion », Le Tintoret, 1565.

« Héros des temps modernes – Takahasi Taichiro » (« 近世義勇伝・高橋多一郎 »), Utagawa Yoshitsuya (« 歌川 芳艶 »), 1861. Représente un seppuku (« 切腹 »), archétype de l’acceptation de la mort du samouraï.

 
 

Que peut-on en conclure ? Et si, dans cette époque de décadence généralisée, les seules choses auxquelles nous puissions réellement nous raccrocher étaient le maintient de notre dignité individuelle, d’un idéal de justice appliquée au niveau individuel, ou le salut individuel – que ce soit le nôtre, ou celui d’autres pris comme des individus, et plus en tant que groupes ? Si le phénomène de décadence est bien un phénomène intrinsèque à la vie, nous ne pourrons jamais l’arrêter : tout ce qui naît est amené à se développer, à croître, à connaître une apogée, puis à décliner et à mourir : nous devons l’accepter. Il nous faut, à la suite des philosophes ou des chrétiens, accepter notre mortalité et nous y résoudre ; mais garder cependant en tête que l’Histoire ne prend pas fin avec la mort d’une civilisation.

            L’époque que nous connaissons actuellement, cette époque de décadence et de fin de civilisation, nous semble pouvoir être assimilée à celle que connurent les grecs de l’époque hellénistique : une époque dans laquelle l’espoir politique était mort, et dans laquelle la seule chose qui pouvait encore compter était la reconnexion individuelle avec le transcendant. Tenter d’adopter, à notre époque, une attitude comparable, ne nous semble pas le moins du monde synonyme de renoncement et de défaitisme, bien au contraire : si la décadence est un phénomène naturel et inexorable, la sagesse consisterait à l’accepter et préparer dés à présent la suite. Pour cela, il nous faut être en mesure de préparer un modèle alternatif, ce qui passe en particulier par le refus de céder à la décadence au niveau individuel en tentant, dans la mesure de nos possibilités, de mener une bonne vie malgré les évolutions politiques. Mener envers et contre tous une vie juste, qui ne perd pas de vu la réalité de la vie, la morale, la transcendance, et tenter de diffuser cette attitude auprès des autres. Si nous sommes suffisamment nombreux à l’adopter, nul doute qu’elle aura des conséquence au niveau collectif, et sur le cour de l’Histoire de notre civilisation : nous poserons ainsi des germes qui émergeront lorsque le moment sera venu, comme le firent les grecs à leur époque. Ce moment pourra venir l’année prochaine, comme dans deux siècles. « Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l’heure » (Matthieu 25, 13).

            L’époque hellénistique, dont la pensée fut engendrée en premier lieu par le même constat que le nôtre, posa les bases qui permirent quelques siècles plus tard l’émergence de la civilisation chrétienne (voir « La Civilisation Chrétienne, des Évangiles à la Théorie du Genre ») ; phénomène qu’à l’époque, comme le disait Elias de l’émergence de l’État à la fin du Moyen-Âge (voir « De l’ensauvagement de la pacification des sociétés européennes : "Et Louis XIV inventa Instagram" »), « personne n’a explicitement voulu ou programmé, mais qui découle néanmoins des ambitions et actions d’un grand nombre d’individus ». Soyons donc patients et commençons, comme nous le pouvons et à notre niveau, ce travail pour la renaissance de la civilisation européenne, qui suivra nécessairement la fin de la décadence de celle que nous connaissons à l’heure actuelle (voir « "La question n’est pas de savoir comment colmater un édifice qui s’effondre" »).

            Nous avons tenté, par cette série d’article, de contribuer à cet encore mince corpus de réflexion quand au futur de la civilisation européenne. Nous espérons qu’il vous donnera envie, à votre tour, de poser votre pierre à l’édifice que nous devons dés à présent commencer à bâtir.

Référence

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