Histoire constitutionnelle de la France (3/6)

 
Sacre de l'empereur Napoléon Ier et couronnement de l'impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804 - Jacques-Louis David, 1806

Sacre de l'empereur Napoléon Ier et couronnement de l'impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804 - Jacques-Louis David, 1806

 

France, 1799. La France connaît la Révolution depuis maintenant dix ans. Sur cette seule période de temps, elle aura changé quatre fois de régimes politiques ; de l’Ancien Régime à la monarchie constitutionnelle, à la République conventionnelle puis le Directoire. Les échecs institutionnels de ce dernier favorisent l’Armée qui se pose de plus en plus en juge de paix. Le 9 novembre 1799, elle choisira de punir l’instabilité gouvernementale. Menées par le général Napoléon Bonaparte, les troupes françaises contraignent le Directoire à abdiquer en faveur d’un régime dictatorial : le Consulat.

Le Consulat napoléonien : la dictature constitutionnelle ?

Napoléon Bonaparte ; ce nom seul fait trembler les siècles. Bourreau des Autrichiens en Italie, fossoyeur des Mamlouks et Ottomans en Égypte, le voilà désormais à la tête de la France révolutionnaire. Le nouveau régime qui voit le jour après son célèbre coup d’État du 18-Brumaire n’est pas une création personnelle mais le fruit de la pensée d’un député du nom de Sieyès, déjà présent au moment des États-Généraux de 1789. Fort de son expérience institutionnelle, lui qui a traversé la décennie révolutionnaire, il établit un régime républicain dictatorial qu’il estime seul capable de finir la Révolution et sauver la France du chaos. En cela, il s’inscrit dans la droite ligne de Jean-Paul Marat qui défendaient la dictature militaire pour stabiliser le pays.

Le Consulat est donc un régime républicain tetra-caméral et tri-consulaire. Le pouvoir législatif est réparti entre quatre chambres pour réduire au maximum la puissance de celles-ci. Il existe donc le Conseil d’État (prépare les lois), le Sénat conservateur (vérifie les lois), le Tribunat (discute les lois sans les voter) et le Corps législatif (vote les lois sans les discuter). Tous quatre sont dépendants du pouvoir exécutif en cela que ce dernier nomme les membres du Conseil d’État et du Sénat, ce dernier nommant par la suite les membres du Tribunat et du Corps législatif.

« Le Consulat est donc un régime républicain tetra-caméral et tri-consulaire »

Le pouvoir exécutif, donc, est dominé par un triumvirat (un conseil de trois membres). Si les deuxième et troisième consuls n’ont qu’un rôle consultatif, c’est bien le Premier consul qui concentre l’ensemble du pouvoir, cumulant les fonctions de chef d’État et du Gouvernement. Élus par le Sénat pour un décennat renouvelable indéfiniment, ils sont à l’initiative des lois et de la direction du pays. Napoléon Bonaparte, Premier consul des Français de 1799 à 1804, va ainsi assurer le rôle antique de dictateur – magistrat investi d’un pouvoir exceptionnel à tel point qu’on est en droit de se demander si le Consulat n’est pas en lui-même un régime d’exception normalisé. Finalement, le Consulat ne sera qu’un tremplin pour l’homme du 18-Brumaire qui va bientôt réhabiliter l’idée de royauté en France…

L’Empire, vers la synthèse historique ?

Paris, 2 décembre 1804. En cette froide journée d’hiver, tout Paris s’affaire autour de la cathédrale Notre-Dame que la Révolution avait mise à l’épreuve. En son sein, le pape Pie VII béni le sacre de Napoléon Bonaparte, empereur des Français. Plébiscité par le corps électoral, le Premier consul a vu son mandat devenir perpétuel en 1802 avant que le Sénat ne lui propose la dignité impériale. Comme César passé de consul à empereur, comme Rome devenue empire après avoir été république, Bonaparte devient Napoléon Ier et la République française devient l’Empire français. La France régicide couronne un nouveau monarque et consacre un nouveau régime politique.

L’Empire ne se veut pourtant pas une rupture mais une évolution. La constitution du 18 mai 1804 insiste bien sur le fait que le « gouvernement de la République est confié à un Empereur » (Art.1). D’ailleurs, les principaux corps d’État institués par le Consulat sont conservés. Ainsi, la structure tetra-camérale sera maintenue jusqu’en 1807 lorsque sera aboli le Tribunat. Les références à la République demeurent ainsi que sur les pièces de monnaie jusqu’au moins en 1808. L’Empereur prête même serment pour « maintenir l’intégrité du territoire de la République ». Tout est fait pour renforcer l’écho à l’antiquité romaine et disculper Napoléon de toute tentative de retour à l’ordre monarchique ancien. Pourtant, pendant sa décennie de règne impérial, l’ancien général va s’atteler à restaurer l’Ancien Régime avec l’apparat de la Révolution, sorte de synthèse ultime de l’Histoire de France. Il commence par restaurer l’hérédité dynastique avec primogéniture masculine, les titres de noblesse sont rétablis, les assemblées sont muselées car éclatées, et progressivement le pouvoir personnel du souverain s’impose à nouveau. La seule différence notable avec l’Ancien Régime demeure fondamentalement la source de légitimité du régime : si les Capétiens tenaient leur couronne de Dieu (droit divin), Napoléon tire son pouvoir de la Nation (droit civil).

« Pendant sa décennie de règne impérial, l’ancien général va s’atteler à restaurer l’Ancien Régime avec l’apparat de la Révolution, sorte de synthèse ultime de l’Histoire de France »

L’Empire marque un tournant essentiel dans l’Histoire politique et constitutionnelle française. Pour la première fois depuis le début de la Révolution, un régime ne se veut pas en rupture par rapport à son prédécesseur mais aspire à la réconciliation – sorte de synthèse entre les France monarchique et républicaine. Pourtant très populaire, le régime impérial va souffrir de la guerre totale que livre l’Europe à la France. Le désastre russe et ses conséquences humaines imposent des privations au peuple qui abandonne alors l’Empereur. Par le choc extérieur, l’Empire s’effondre et la monarchie fait son grand retour après vingt-trois ans d’absence.

« Pour la première fois depuis le début de la Révolution, un régime ne se veut pas en rupture […] mais aspire à la réconciliation – sorte de synthèse »