Histoire de France (2/4)
Qu’est-ce que la France ? Un territoire, un peuple, une culture, tout cela à la fois ? Notre pays a une Histoire richissime doublée de faits militaires glorieux et de pensées éternellement inscrites dans le code génétique de l’humanité. Questionner et analyser son épopée, c’est se questionner en tant qu’individu membre d’une grande famille nationale, unique en son genre : le peuple français. Parce que nous sommes les héritiers d’un territoire, d’un peuple, d’une culture et d’une histoire en commun, nous, Français, sommes à la fois ducs, serfs, chevaliers croisés, mousquetaires, hussards de l’Empereur, et Poilus des tranchées. Ainsi que le disait l’illustre artisan de la Victoire, le maréchal de France Ferdinand Foch : « un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ». C’est pourquoi il convient de revenir sur notre mémoire à tous.
Du Royaume des Francs au Royaume de France
Lorsqu’Hugues Capet monte sur le trône de Francie occidentale, le royaume est un parangon de féodalité. Les principaux fiefs sont les duchés d’Aquitaine, de Normandie, de Gascogne, et de Bourgogne. Citons également les comtés majeurs de Bretagne, de Toulouse et de Champagne. Toutes ces terres sont plus riches et puissantes que le maigre « domaine royal » (Paris et Orléans). De plus, le pays est entouré d’ennemis internationaux à l’image de la Francie orientale devenue « Saint-Empire romain germanique » se revendiquant héritier de Rome et d’Aix-la-Chapelle.
Pour pallier à son statut précaire, le nouveau roi va développer une politique d’expansion et de soumission territoriale orientée suivant trois axes : mariages, contre-félonies et achats de terres. Une stratégie en vigueur pendant des siècles et qui se révèlera gagnante. Progressivement, le pouvoir se centralise et l’État se développe à travers la figure du Roi de sorte que Philippe II dit « Auguste » ne se définissait plus comme « roi des Francs » (Rex Francorum) mais comme « roi de France » (Rex Franciae). C’est une révolution conceptuelle : le monarque ne règne plus sur un peuple, une tribu ou une ethnie mais sur un territoire.
Pour autant, cette évolution n’est pas anodine et reste à relier à l’accession d’un de ses vassaux, le duc de Normandie, au trône d’Angleterre. Cette situation ne manque pas d’alimenter les tensions entre les deux puissances. Pourtant camarades de croisades, les deux chefs d’État, dont Richard Cœur de Lion, vont s’engager dans une guerre aux conséquences capitales pour le reste du Moyen-Âge. En effet, invoquant la félonie de son vassal, Philippe annexe la Normandie et déstabilise le pouvoir royal anglais à tel point que les grands seigneurs lui imposent la « Grande Charte » (Magna Carta), pierre angulaire de la démocratie et du droit modernes.
Dans le même temps, les tensions traditionnelles avec l’Est germanique croissent : profitant de la guerre entre France et Angleterre, le Saint-Empire tente une attaque contre l’armée française occupée face aux Anglo-Normands. Menacé, Philippe convoque ses vassaux ainsi que les milices pour la défense du royaume. Tous répondent présents. C’est le premier exemple de « défense nationale », trait de caractère majeur de l’imaginaire collectif français. Ainsi, à Bouvines, la France inflige une sévère défaite aux différents coalisés. En Allemagne, la débandade est si grande que l’empereur est déposé. Le Royaume s’impose comme une puissance militaire de premier rang.
Vers la guerre de Cent-Ans
Deux événements majeurs vont caractériser le Haut Moyen-Âge français : les Croisades et la guerre de Cent-Ans. Menée par les puis-nés des grandes familles aristocratiques et chevaleresques françaises, la Première Croisade fonde de nombreux royaumes en Orient. Certains monarques vont participer à ces expéditions en terres musulmanes à l’image de Philippe-Auguste ou encore Saint-Louis, plus par quête de gloire et de légitimité intérieure que par réelle conviction religieuse ou géostratégique. In fine, les croisades seront un échec militaire et politique retentissant tandis que les répercussions culturelles et économiques sont à nuancer. Notons également que le territoire métropolitain a lui aussi connu ses épisodes croisés avec la fameuse « croisade des Albigeois » combattant « l’hérésie cathare », relevant plutôt de la soumission politique du Sud-Ouest à la Couronne conformément à la stratégie capétienne d’expansion territoriale.
La guerre de Cent-Ans est le conflit qui fit émerger le sentiment national français né auparavant sur les champs de Bouvines. Pendant des décennies, le pouvoir royal n’avait eu de cesse de se renforcer. Ainsi, en 1307, Philippe IV dit « le Bel » épurait l’État de l’influence cléricale en se débarrassant de l’ordre chevaleresque du Temple. Mieux encore, la France était suffisamment puissante pour obtenir la nomination de ses candidats au trône pontifical. De plus, en ce début de XIVème siècle, la relève dynastique était assurée.
Mais assez brutalement, la royauté française vit tous ses princes et rois mourir de sorte qu’il ne restait plus aucun descendant direct par la lignée masculine de Hugues Capet pour porter la couronne de France. Là encore, les Grands étaient devant un choix épineux : respecter le sang en nominant Édouard III d’Angleterre, petit-fils de Philippe IV par sa mère, ou élire le plus proche représentant mâle, Philippe de Valois. À nouveau, c’est le choix de l’indépendance qui est fait, non sans prendre en compte la puissance menaçante des Plantagenêt qui faisait craindre pour la liberté seigneuriale.
Dans les premiers temps, le roi d’Angleterre accepte la décision des nobles français avant d’y revenir, critiquant une « loi salique » fabriquée de toute pièce qui exclue toute revendication royale par le sang maternel. La guerre est déclarée. Elle durera plus d’un siècle, entrecoupée de trêves et frappée par la mortelle Peste noire.
Trois phases résument le conflit. Dans un premier temps, les Français l’emportent sur les Anglo-Normands. Puis, l’inverse permet l’éradication de la chevalerie française à Azincourt (1415) et la réunification des couronnes de France et d’Angleterre. Enfin, l’épopée de Jeanne d’Arc et la reconquête du territoire par Charles VII sur fond de guerre civile entre « Armagnacs » (partisans du roi de France) et « Bourguignons » (partisans de l’unification franco-anglaise) permet la victoire finale à Patay (1429) et Castillon (1453) où l’artillerie fait sa première apparition mortelle.
De ce long conflit meurtrier, où la Peste fera plus de ravages que les lances en décimant la moitié de la population européenne, la France sort renforcée tandis que l’Angleterre sombre dans la guerre civile à son tour (la guerre des Deux-Roses en les maisons d’York et Lancastre). L’usage novateur de la poudre à canon donne un avantage technologique majeur aux Français qui sauront l’exploiter dans les guerres italiennes en gestation.
Une France forte mais divisée
Figure messianique et divine, le roi de France règne désormais sur un domaine personnel confondu avec les frontières du royaume. La féodalité n’existe plus dans le pays et les idées nouvelles venues d’Italie favorisent le progrès technique et industriel. L’État, en construction depuis des siècles, s’organise et commence doucement à se fondre en bureaucratie. Désormais, c’est lui qui fonde la nation par des mesures législatives nouvelles à l’instar du remplacement du latin par le français comme langue savante (édit de Villers-Cotterêts).
Pour autant, l’heure est grave. La guerre franco-anglaise achevée, c’est le Saint-Empire qui menace. Par un jeu dynastique propre à cette construction, Charles Quint, roi des Espagnes, de Naples, de Sicile, de Jérusalem, et duc de Bourgogne, devient également empereur romain. La France de François Ier est encerclée et doit renouveler ses alliances de revers. Ce sera donc avec l’Angleterre et la Turquie que le Roi scellera un accord bien peu orthodoxe.
Pourtant, la diplomatie française peine. Le monarque est fait prisonnier et la France souffre de ses échecs militaires en Italie. Si les frontières nationales ne sont pas directement menacées, c’est bien l’autorité royale qui est affaiblie. Il faudra attendre la Réforme protestante qui éclate en Allemagne pour déstabiliser un Empire multiétatique et voir la France sortir finalement vainqueur.
Malgré la destruction de l’encerclement germano-espagnol, le pays subit, lui aussi, de plein fouet les conséquences du protestantisme naissant. Des conflits éclatent entre catholiques et huguenots qui mènent à la guerre civile tandis que le pouvoir royal enchaîne les régences (périodes fortement instables par essence) de Catherine de Médicis. Après des décennies de guerre, il faudra l’extinction des Valois pour réaliser une sortie « pacifique » de la crise en la personne de Henri de Bourbon, roi de Navarre. Originellement de confession protestante, il comprend l’importance de la conversion au catholicisme dans une France pieuse et majoritairement acquise à la cause pontificale.
L’Ancien Régime
Henri de Bourbon, devenu roi de France et de Navarre, fait entrer la monarchie dans l’âge mûr. Mais plus que les rois, les ministres principaux que furent les cardinaux de Richelieu et de Mazarin, respectivement sous les règnes de Louis XIII et Louis XIV, vont donner à l’État sa forme moderne. Décorrélé de la figure royale qu’il distingue sans confondre, le pouvoir étatique œuvre dans l’intérêt double du monarque et de ses sujets. Consacré par les traités de paix de Westphalie (1648), l’État-nation sera désormais le constitutif de toute diplomatie en reconnaissant, entre autres, le principe de souveraineté et de non-ingérence.
La France moderne est le plus puissant pays d’Europe et du monde d’alors. Sa culture traverse les frontières et son armée domine les champs de bataille. Sa démographie exceptionnelle (« Chine de l’Europe » avec 20 millions d’habitants en 1600) et sa richesse agricole en font un objet d’admiration et de crainte, de Londres à Saint-Pétersbourg. Bientôt, toute l’Europe sera coalisée pour réduire les ambitions françaises.
Sur le plan intérieur, Richelieu et Louis XIV agissent pour réduire le protestantisme et garantir l’unité religieuse du pays. L’un en assiégeant impitoyablement les places fortes (La Rochelle), l’autre en favorisant les conversions (dragonnades). Cependant, il convient de rappeler une chose : la révocation de l’édit de tolérance promulgué par Henri IV par son petit-fils n’est pas un acte de guerre ou d’épuration religieuse. Louis XIV, abusé par des rapports volontairement optimistes, est certain que le texte est caduc du fait de la disparition des huguenots du territoire. Dès lors, des milliers de protestants français vont fuir le pays pour s’enrôler dans les armées hollandaises et britanniques.
Le Grand Siècle du Roi-Soleil va être un âge d’or et de rayonnement en Europe et dans le monde sans précédent depuis Charlemagne. Émulsion d’arts, de lettres, de culture, de procédés militaires et scientifiques, le long règne du monarque n’éclipse pas les harassantes guerres contre les monarchies européennes coalisées qui refusent l’extension des frontières françaises jusqu’à la rive gauche du Rhin, considérée comme une « frontière naturelle ». En réalité, il s’agit pour le roi de parachever l’œuvre millénaire de ses prédécesseurs en sécurisant un relief naturel dans l’optique de la « défense nationale » : on parle à l’époque de « pré carré ». L’État, sans être « absolu » achève sa transformation bureaucratique et poursuit son processus centralisateur via l’introduction des intendances de provinces.
Après Louis XIV, ses successeurs vont entamer des politiques plus traditionnelles et timorées, tant sur le plan intérieur qu’extérieur. Ainsi, ils permettent le développement de la critique des « Lumières » ; importation des principes parlementaires britanniques en France. Après la bataille de Fontenoy (1745), Louis XV rate l’occasion de terminer l’extension territoriale nationale vers le Rhin. De fait, sa clémence entraînera une défaite militaire majeure lors de la guerre de Sept-Ans qui voit l’émergence du puissant Royaume de Prusse et la perte des colonies américaines. Toujours dominante, la France se trouve fragilisée dans ses fondements.