Histoire des États-Unis d’Amérique (1/2)
Que sont les États-Unis d’Amérique ? Un territoire, un peuple, une culture, tout cela à la fois ? La république fédérale américaine a la particularité d’être une nation à la fois très jeune et très puissante. Issue de la colonisation britannique, cette fédération a su conquérir les vastes plaines riches et fertiles de son continent, devenant rapidement la première force économique, industrielle, culturelle et militaire du monde. Si aujourd’hui son modèle est remis en question, fragilisé de l’intérieur – tensions raciales, progressisme et multiculturalisme – comme de l’extérieur – affrontements avec la Chine, la Russie et les groupuscules terroristes nés dans le sillage des interventions américaines au Moyen-Orient – l’épopée américaine permet de mieux comprendre cet empire à la fois triomphant et décadent. Retour sur la courte mais riche histoire des États-Unis d’Amérique.
De la terra incognita à l’avènement d’une puissance commerciale
L’actuel territoire des États-Unis d’Amérique est peuplé depuis des millénaires. Constitué de chasseurs, cueilleurs et pêcheurs nomades, il regorge de richesses naturelles. Les peuplades y coexistant seront appelées « Amérindiens » et s’organisent en tribus ethniques traditionnelles reposant sur une répartition tripartite des fonctions : bellatores (les guerriers), labores (les paysans et travailleurs) et oratores (les chefs clercs et laïcs). Contrairement à l’Amérique du Sud où de véritables empires civilisationnels voient le jour (Aztèques, Mayas, Incas…), l’Amérique du Nord demeure une terre divisée et technologiquement arriérée.
Ces « Premières Nations » ne vont pas tarder à rencontrer les puissances européennes. Si on dénombre quelques colonies de peuplement nordiques au Groenland et au Canada au cours du Moyen-Âge, il faut attendre la découverte de l’Amérique par le reste de l’Europe pour voir naître des projets plus imposants et ambitieux. Espagnols, Portugais, Hollandais, Britanniques et Français se lancent dans une course au « Nouveau-Monde », riche en ressources. En Amérique du Nord, trois puissances principales se partagent le continent ; l’Angleterre devenant Royaume-Uni (côte orientale), l’Espagne (sud et côte occidentale) et la France (Canada).
Sur la côte orientale des actuels États-Unis, diverses compagnies – soutenues par la couronne britannique – fondent des comptoirs commerciaux destinés à exporter les matières premières à travers l’Atlantique. Outre une volonté politique de développement colonial, les premiers établissements anglais bénéficient d’un important phénomène d’exode permettant une croissance démographique forte là où d’autres nations plus fertiles, riches et stables comme la France peinent à séduire ses colons. L’Angleterre – terre pauvre et difficilement valorisable – est délaissée pour ces étendues américaines pleines d’opportunités. Pendant un siècle, la population américaine va exploser et de petits ports commerciaux vont devenir de véritables villes.
C’est dans ce cadre que va se bâtir l’un des principaux piliers de l’identité américaine : le commerce. Exportant des ressources rares vers l’Europe, accueillant les richesses matérielles et humaines d’Afrique, les colonies britanniques d’Amérique vont croître autour des échanges commerciaux toujours plus importants au point de devenir un centre économique incontournable. Une première distinction s’effectue déjà entre les colonies septentrionales et méridionales. Le nord – la Nouvelle-Angleterre – produit principalement des fourrures, du poisson et des produits manufacturés tandis que le sud, plus rural, développe une agriculture puissante reposant sur le coton, le tabac ou encore les céréales. Plus qu’ailleurs, une nouvelle aristocratie commerciale voit le jour, la bourgeoisie d’affaires. C’est elle qui va précipiter le pays dans une nouvelle ère.
De l’émancipation des Anglais à la conquête de l’Ouest
Administrées depuis Londres, les Treize-Colonies britanniques subissent de plein fouet les différentes mesures économiques ; imposées pour relever les finances publiques après les coûteuses guerres de succession d’Espagne (1701-1714), d’Autriche (1740-1748) et de Sept-Ans (1756-1763). Les taxes et impôts fleurissent sans possibilité pour la bourgeoisie d’affaires locale de s’y opposer, car non-représentée au Parlement anglais. Impliqués pour la première fois directement dans un conflit européen avec la guerre de Sept-Ans, les colons britanniques subissent un nouvel affront après que Londres eut décidé de leur refuser la conquête des riches terres par-delà le massif des Appalaches.
Toutes ces frustrations conduisent ainsi à la désobéissance. Le mercantilisme anglais attise les ressentiments et déclenche des manifestations inédites comme la destruction d’une cargaison de thé à destination de l’Angleterre par des marchands américains à Boston, la célèbre Boston Tea Party (1773). En réaction, le pouvoir décide de la neutralisation et la punition des localités les plus insoumises à travers des lois liberticides et des confiscations d’armes auprès des milices bourgeoises locales. Ainsi commence la guerre d’Indépendance américaine.
Ce conflit larvé long d’une décennie peut se décomposer en deux phases distinctes. La première consiste en l’unification des milices et gardes bourgeoises au sein d’une « armée continentale » destinée à lutter contre le pouvoir colonial britannique (1775-78). La seconde débute avec l’implication du Royaume de France dans le conflit, désireux de venger l’humiliation de la guerre de Sept-Ans ainsi que de porter un coup dur au commerce maritime britannique (1778-83). Proclamés entre temps, le 4 juillet 1776, les « États-Unis d’Amérique » deviennent l’un des premiers territoires colonisés à vouloir s’émanciper de leurs maîtres européens. Grâce à l’intervention décisive de la France, sur terre (bataille de Yorktown) comme sur mer (bataille de Chesapeake), la jeune république finit par être reconnue par Londres en 1783 lors de la signature des traités de Versailles et Paris.
Le temps est désormais aux débats politiques. La jeune nation ne veut pas reconnaître de roi et consacre alors son régime républicain. Formée par une association d’États déjà constitués par l’autorité britannique, elle sanctuarise également sa forme fédérale. Mais les premiers affrontements ont lieu autour du degré de liberté qu’il faille accorder aux États membres ainsi que la puissance à donner à l’État central fédéral. Cette opposition se retrouve également sur le terrain économique où le protectionnisme septentrional se heurte à l’agrarisme esclavagiste et libre-échangiste du Sud. Dans le même temps, les divergences s’exacerbent à mesure que les terres sauvages de l’Ouest sont découvertes et colonisées. Les États s’affrontent pour imposer leur modèle économique et politique. L’Amérique est sous pression et menace d’exploser…
Du miracle au rêve américain
En 1850, la quasi-totalité de l’actuel territoire étatsunien a été conquis. Les deux principaux artisans de cette fulgurante avancée de la civilisation sur la nature auront été la natalité et la poudre à canon. Des millions d’Américains ont colonisés les terres sauvages et leurs armes surclassent largement celles – primitives – des tribus amérindiennes qui finiront par se convertir au fusil. De même les succès militaires face à l’Espagne permettront la conquête de territoires riches comme la Californie ou le Texas. Enfin, la célèbre ruée vers l’or permettra une explosion d’un nouveau moyen de transport : le train.
Malgré tout, l’Amérique reste divisée politiquement et idéologiquement. Contrairement à une idée reçue concernant les relations américano-amérindiennes, l’État fédéral a régulièrement été débordé par les plus fanatiques et enragés de ses colons sur place. De plus, outre la politique amérindienne des Américains, c’est la question de l’esclavage qui clive de plus en plus à mesure que des États nouveaux – créés ex nihilo à partir d’un nombre décidé d’habitants – entrent dans l’Union. Le Nord industriel et protectionniste veut imposer sa loi au Sud agraire, esclavagiste et libre-échangiste qui menace de sécession. Ce sera chose faite en 1861 avec l’investiture du candidat républicain Abraham Lincoln comme président des États-Unis, abolitionniste proclamé. Les États du Sud, s’inspirant de leurs aînés de Yorktown, Saratoga et Lexington, proclament la naissance des « États confédérés d’Amérique ». La guerre est déclarée, ce sera la plus meurtrière de l’histoire américaine avec plus de 600 000 morts dans les deux camps pour un résultat en demi-teinte : l’imposition du modèle économique septentrional n’empêchera pas la mise en place de la Ségrégation au sein des territoires vaincus ainsi que le développement d’un racisme suprématiste théorisé.
L’Amérique réunifiée n’est pas pour autant moribonde. L’Ouest continue son développement, les conflits indiens s’achèvent progressivement sur une victoire totale des colonisateurs et les États-Unis deviennent une grande puissance industrielle. Le gouvernement décide alors de rediriger les efforts de conquête vers le continent tout entier en garantissant l’établissement d’une sphère d’influence étatsunienne qui ne sera battue en brèche qu’avec le basculement communiste de Cuba dans les années 1950. Sur le plan extérieur, l’Amérique ouvre de nouveaux marchés en Asie (Chine, Japon, Philippines…) et lance la production de vaisseaux de guerre modernes destinés à assurer une suprématie navale dans le Pacifique ainsi qu’une défense en Atlantique contre les prétentions ou menaces européennes. Des centaines de milliers de migrants européens et asiatiques affluent, attirés par les promesses de richesse et de réussite d’un pays en pleine croissance. Pour autant, l’identité américaine reste inchangée ; c’est le règne du WASP ou White Anglo-Saxon Protestant. Les minorités ethniques ne satisfaisant pas ce canon – à savoir les Noirs, les Catholiques irlandais, écossais ou espagnols, et les Asiatiques païens – subissent diverses discriminations.