La flotte sous-marine chinoise, un "game changer" ?

 
Sous-marin nucléaire lanceur d’engins de type Jin en mer de Chine, 12/04/2018 - REUTERS/Stringer

Sous-marin nucléaire lanceur d’engins de type Jin en mer de Chine, 12/04/2018 - REUTERS/Stringer

 

La flotte sous-marine chinoise est d'ores et déjà la première au monde avec plus de 70 bâtiments en service. Elle concourt à la sécurisation de son espace maritime national depuis 1950 et est en passe de renverser l'équilibre stratégique dans la région indopacifique.

UN SOCLE STRATEGIQUE

La disposition de ses bases lui a permis de construire un véritable bastion sur l'ensemble de son domaine maritime.Depuis l'an 2000, l'impulsion tant attendue par le commandement a été donnée. Un vaste programme de construction et de rénovation est entrepris afin de créer les conditions à l'émergence d'une force véritablement stratégique. La réfection des infrastructures de Qingdao[1] et Zhoushan[2] permet de rétablir la balance face la base de l'US Navy d'Okinawa[3] et l'efficiente marine japonaise. Dans le même temps, la construction du colossal complexe sur l'île province de Hainan[4], maison mère des SNLE type Xia et Jin[5] s'est opérée.

Un réseau enterré de bassin d'entretien et de chargement des SLBM[6] capable d'accueillir jusqu'à vingt sous-marins défendus par une défense sol-air multicouche et deux bases aériennes en fait le pivot stratégique de la mer de Chine méridionale.Les polders des îles Spratly[7] ont permis de finaliser la chaîne logistique et opérative des sous-marins de Xi Jinping.

 
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UNE STRUCTURE SOLIDE

La colonne vertébrale de cette force repose sur une base composée de nombreux sous-marins conventionnels qui ont été améliorés en s'inspirant de concepts et de technologies françaises et russes.Grâce à la rétro-ingénierie sur les Agostas (fabriqué par DCNS pour le Pakistan) et les Kilos russes le niveau technique atteint par cette flotte de SSK[8] permet même l'ouverture de quelques marchés à l'exportation comme la Thailande ou le Pakistan. Il faut aussi prendre en compte l'amélioration de leur volume de feu incluant maintenant en plus de torpilles modernisées des missiles anti-navire à changement de milieu. 

Le défi pour ces bâtiments est maintenant de sortir de leurs eaux territoriales pour défier des intrusions de groupes amphibies américains dans la limite de la première chaîne d'îles. Des groupes de SSK éprouvés comme les Songs[9] appuyés par des patrouilleurs maritimes en nombre formeraient le verrou de souveraineté souhaité par Pékin.

 
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LA DISSUASION NUCLEAIRE

Depuis le début des années 1990, l'évolution des capacités balistiques chinoises a permis d'établir les fondements d'une capacité de dissuasion sous-marine. Cela étant, la flotte de SNLE accuse son retard qualitatif notamment dû à de faibles performances en matière de discrétion acoustique. De plus, la capacité de «dilution»[10] est fortement limitée par le profil des fonds ainsi que par la configuration des routes de patrouilles possible. Ces facteurs obligent les SNLE à effectuer des transits par petit fond et faible vitesse. La mobilisation demandée au reste de la marine chinoise pour leur offrir une échappatoire peut aller jusqu'à la mise en œuvre du groupe aéronavale du Liaoning[11]. Tous ces efforts permettent de mettre à portée les missiles JL-2[12] de l'ensemble du territoire américain et européen. Le but étant de rendre crédible cette composante de la dissuasion pour le temps venu rendre une indépendance taïwanaise impossible dans un contexte de conflit conventionnel.

 
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LA MEUTE DE XI

Le type de bâtiment qui rebat vraiment les cartes de cette région sont les sous-marins nucléaires d'attaque. La Chine a su mettre en place une véritable filière humaine et industrielle pour ce type de bâtiment. Du type 091 Han au 095 en passant par le 093 Shang[13], les capacités de ces derniers ont évolué de la simple lutte anti-navire vers le concept occidental de hunter-killer couplé au frappeur[14].

Leurs récents déploiements en Océan Indien et Pacifique ont permis l'aguerrissement d'équipages inexpérimentés mais déterminés à bousculer les groupes aéronavals de l'Oncle Sam. Ils sont l'outil privilégié d'une stratégie A2/AD[15] en quête de crédibilité. Le futur des SNA chinois est largement médiatisé et les organismes comme CCTV[16] ont fait de leurs avancées technologiques l'un des étendards de l'APL[17]. Avec l'avènement des types 095 l'écart capacitaire se ressert face aux engins occidentaux.

L'horizon des forces sous-marines chinoises est défini par une course capacitaire et technologique dans la zone indopacifique. La confrontation est admise et parfois même recherchée. Face à ces certitudes de développement et de souveraineté, les sous-mariniers chinois doivent répondre au défi posé par les alliances du sud-est asiatique et le renouveau de la détermination américano-japonaise.   

[1]QG de la flotte de la mer du nord et base aéronavale.

[2]Base de sous-marins près de Ningbo.

[3]Ile japonaise située entre le sud de l'archipel nippon et Taïwan.

[4]Situer au Sud de la Chine, prisée pour ses attractions touristiques.

[5]Sous-marins Nucléaire Lanceur d'Engins mis en service respectivement en 1987 et 2007.

[6]Submarine Launched Ballistic Missile.

 [7]Archipel de 14 îles en Mer de Chine Meridionale.

[8]Sub-Surface Kerosen.

[9]Classe de sous-marins diesel-électriques en service depuis 1998.

[10]Manoeuvre permettant la disparition acoustique et électromagnétique du SNLE.

[11]Premier porte-avions chinois en service depuis 2011.

[12]Missile mer-sol balistique chinois en service depuis 2014.

[13]Sous-marins nucléaires d'attaque chinois mis en service respectivement en 1980 et 2002.

[14]Le hunter-killer est un spécialiste dans la recherche et la destruction des sous-marins adverse.

Le frappeur est un sous-marin capable de frappes contre la terre grâce à des missiles de croisière ou anti-navire modifiés.

[15]Le concept d’A2/AD (Anti-Access/Area Denial) décrit les actions mises en oeuvre par un acteur contrôlant un territoire pour en interdire l’accès à l’adversaire ainsi que les moyens visant à entraver la liberté de manoeuvre de cet adversaire.

[16]China Central Television, principal réseau de télévision publique de Chine.

[17]Armée Populaire de Libération.

Sources :

https://www.areion24.news/2019/03/19/les-sous-marins-chinois-et-la-transformation-du-theatre-indopacifique/2/

https://www.lemonde.fr/international/article/2017/01/13/en-chine-une-base-secrete-de-sous-marins-en-baie-de-yalong_5062235_3210.html

https://www.meretmarine.com/fr/content/la-thailande-opte-pour-des-sous-marins-chinois

http://www.opex360.com/2019/07/09/un-sous-marin-nucleaire-chinois-a-ete-repere-pres-dun-archipel-taiwanais/

http://www.hisutton.com/World%20survey%20of%20AIP%20submarines.html

https://www.navalanalyses.com/2018/04/infographics-31-peoples-liberation-army.html