La tentation du vote à droite

 
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Article écrit par Leclerc.

Pourquoi Marine Le Pen et son Rassemblement National se mettent à attirer le vote des Insoumis et populistes de gauche ?  

Les électeurs de Mélenchon sont maintenant plus d’un tiers à avoir une bonne opinion du parti d’extrême droite, ils n’étaient même pas 10% en 2019. On peut penser qu’une bonne partie de ce tiers a voté pour la liste du Rassemblement National aux dernières élections européennes, mais pourquoi ce passage de la gauche à la droite ?  

La déception de la France Insoumise 

Le populisme de gauche est pourtant apparu en France avec Jean-Luc Mélenchon, un personnage politique qui entretient depuis très longtemps des rapports tendus avec la présidente du Rassemblement National, Marine Le Pen. Le leader de la France Insoumise représentait à l’élection présidentielle de 2017 parfaitement le populiste de gauche : anti-élites, défenseur des opprimés et des personnes dans la précarité, souvenir d’une gauche ouvrière française. Mélenchon arriva 4e avec un score de plus de 19,5%, un bon score, mais qui ne le permet pas de passer au 2nd tour (faute au PS ?). 

Si lui et son mouvement connaissent une dynamique à la présidentielle, ils n’arrivent pas à la conserver. 17 députés aux législatives, 6,31% aux européennes, le mouvement ne mobilise plus. Pire, il n’arrive pas au niveau de son ennemi principal : le Rassemblement National qui récolte 23% des suffrages et arrive en 1er position aux dernières élections (les européennes de mai 2019°). 

Il existe plusieurs raisons à ces faibles résultats. La faiblesse à mobiliser un électorat qui ne se mobilise pas en dehors de l’élection présidentielle, l’apparition de figures qui divisent (Obono, Autain, Cockerel), des divisions sur des sujets importants (immigration, Europe), une impossibilité à fédérer avec les autres partis de gauche (PS, PCF, Génération.s). Mais la principale critique faite par une partie de l’électorat de 2017 est l’émergence d’une ligne beaucoup moins souverainiste, moins eurosceptique, en faveur d’une certaine mixité sociale, de l’immigration. Une ligne beaucoup plus sociale-démocrate, moins populiste, semblable à ce qu’il est (ou était) commun de voir au Parti Socialiste (il ne faut pas oublier que Mélenchon est un ancien membre du PS). L’apparition de cette ligne coïncide avec les premières débâcles électorales du mouvement de gauche. De plus, les derniers départs de cadres du mouvement, (Kuzmanovic, Girard, Guénolé, etc… des cadres réputés pour leurs positions souverainistes) laissent penser au renforcement de la ligne sociale, voire à une prise de pouvoir du mouvement par cette dernière au détriment de la mouvance populiste. 

Pour finir, Jean-Luc Mélenchon le fédérateur et le porte-parole du mouvement en 2017 est de plus en plus décrié dans son mouvement. Certains, comme la députée Clémentine Autain, critique le candidat de la présidentielle. D’autres voient même un départ de « méluche » soit à la présidentielle de 2022, voire avant. Mélenchon a réussi à réunir une ligne populiste et une ligne plus sociale en 2017, son départ risque de provoquer la disparition de la ligne populiste dont il est le principal représentant au sein de son mouvement. 

Vient alors le Rassemblement National 

Avec l’apparition et le développement d’une ligne moins souverainiste et plus vraiment populiste dans la France Insoumise, les populistes de 2017 se retrouvent dans une situation compliquée. Continuer de voter pour un mouvement qui ne représente plus vraiment les idées de 2017 ? Ou alors se tourner au Rassemblement National, le représentant du populisme de droite ? 

Populistes de gauche ou populistes de droite, l’électorat de Marine Le Pen et celui de Mélenchon détiennent plusieurs points communs : en se basant sur les résultats de la présidentielle de 2017, les deux personnages politiques réalisent d’importants scores dans le Nord de la France, dans des villes ouvrières (Roubaix, Dunkerque, Tourcoing, etc…). 30 % des jeunes ont voté pour la France Insoumise, le parti de gauche aussi arrive 1er chez les chômeurs, etc...  Ainsi, les 2 partis populistes partagent un électorat qui fait plus facilement face à la précarité à la pauvreté, que les électorats de LREM ou LR. De ce fait, les programmes des deux mouvements/partis entretiennent des idées communes, pour permettre de capter le vote des plus démunis. Surtout, en 2017 Marine Le Pen consciente des points communs avec son opposant de gauche, décida d’attirer l’électorat de Mélenchon pour faciliter le 2nd tour sans grand succès, seulement 7% des électeurs insoumis du 1er tour ont votés pour la candidate du Front National face à Emmanuel Macron. 

Mais face aux problèmes de la France Insoumise, la tentation devenait forte pour plusieurs insoumis dont André Kotarac (élu de la France Insoumise). Le vote « utile », pour exprimer un souverainisme et empêcher Macron et son parti de gagner du pouvoir, devenait une option envisageable. S’il est difficile de savoir exactement le pourcentage d’insoumis ayant décidé de donner une voix au RN lors des élections européennes de mai 2019, on peut penser qu’ils représentent une partie, peut être non négligeable, de l’électorat mélenchoniste de 2017. 

La gestion de l’immigration et de la sécurité, ainsi que (évidemment) la défense des opprimés, semblent être les points préférés de ces populistes de gauche du RN. Il ne faut pas oublier que 52% de l’électorat insoumis de 2017 considère que « l’immigration n’est pas une chance pour la France », une position dure sur l’immigration n’est ainsi par en désaccord avec l’électorat de gauche. 

Un vote d’adhésion sur le long terme ? 

Si le RN a tenté certains insoumis aux européennes, rien n’indique un vote d’adhésion. Certaines personnalités du RN n’ont pas la sympathie des gens de gauche. Le vote des populistes de gauche est un vote pour des idées, et non pas pour des personnes : si 36% des insoumis ont une bonne opinion du RN, ils ne sont que 29% à apprécier Marine Le Pen. 

Surtout le futur du RN ne permet pas de capter durablement le vote de gauche. L’arrivée possible à la tête du parti de Marion Maréchal (anciennement Le Pen) peut devenir problématique. En effet, les positionnements économiques ultra-libéraux de Marion Maréchal peuvent être un frein pour ces populistes de gauche. Si la jeune politicienne arrive à gagner des voix à droite, il semble difficile d’imaginer un ancien électeur de Mélenchon, prônant des positions dures au niveau de l’imposition pour les plus riches et un Etat avec un rôle fort dans l’économie, voter pour une personne très libérale prônant le libéralisme critiquant l’étatisme, et qui juge le taux d’imposition trop élevé en France. 

Ainsi 2022 sera une année politique compliquée pour ces souverainistes de gauche, qui restent malgré tout une réserve de voix importante. Entre une France Insoumise qui risque de plonger dans un progressisme trop important et contre-productif (certains membres du mouvement se mettent à critiquer le mot « école maternelle », jugé sexiste) surtout si le départ du leader Jean Luc Mélenchon est à prévoir, et un RN qui risque de devenir de plus en plus libéral, ces populistes de gauche risquent de se retrouver bloqués et voter de façon « utile », plutôt que de soumettre un vote d’adhésion. 

Sources : 

Résultats d’élections : https://www.francetvinfo.fr/elections/resultats/ 

Critique de Clémentine Autain sur Mélenchon : https://www.nouvelobs.com/politique/20190604.OBS13934/big-bang-de-la-gauche-clementine-autain-defie-jean-luc-melenchon.html 

Ligne populiste critiquée : https://www.nouvelobs.com/politique/20190607.OBS14083/populiste-or-not-populiste-les-insoumis-en-pleine-reflexion.html 

ProgrammeProgrammes présentant des ressemblances : https://www.rtl.fr/actu/politique/2017-les-similitudes-entre-les-programmes-de-melenchon-et-le-pen-7787403807 

Chiffres à propos de l’opinion des insoumis sur le Rassemblement National : http://www.lefigaro.fr/politique/le-rassemblement-national-seduit-l-electorat-de-melenchon-20190516 

Etude sur l’immigration : https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/06/115650-Rapport.pdf 

André Kotarac, insoumis qui a voté RN : https://www.francetvinfo.fr/elections/europeennes/europeennes-qui-est-andrea-kotarac-l-elu-de-la-france-insoumise-qui-appelle-a-voter-pour-le-rassemblement-national_3444453.html 

Article à propos des problèmes, et départs : https://www.bfmtv.com/politique/desaccords-departs-a-repetition-la-france-insoumise-en-pleine-crise-1708488.html