La question des colonies israéliennes

 
Crédit Photo Washington Post - Netanyahu inaugurates Trump Heights, Israel's newest town on the Golan Heights

Crédit Photo Washington Post - Netanyahu inaugurates Trump Heights, Israel's newest town on the Golan Heights

 

Article par : Jean, Gaal Dornick

Le 16 juin dernier, le gouvernement de l’état d’Israël a annoncé la création d’une colonie sur le plateau du Golan, nommée « Ramat Trump » (רמת טראמף) du nom de l’actuel président des Etats-Unis. Si l’hommage ainsi fait à Trump est un sujet brûlant de la politique intérieure israélienne, l’établissement de cette colonie s’inscrit dans la continuité de la politique israélienne d’occupation des territoires conquis au cours de la guerre des Six Jours (1967).

La guerre des Six Jours a vu la prise par Israël du plateau du Golan, du Sinaï ainsi que de la Cisjordanie. A l’exception du Sinaï, restitué à l’Egypte par les accords de Camp David, ces territoires sont toujours sous contrôle israélien. Ces occupations sont non reconnues par la grande majorité de la communauté internationale et pour pallier cette situation, une partie de la population israélienne y établit des colonies avec un soutien variable de la part du gouvernement en place. La croissance de ces colonies reste néanmoins très constante. Ainsi, sur la période 2008-2017, le nombre de colons israéliens en Cisjordanie (Jérusalem-Est exclue) a crû à raison de 14700 colons en moyenne par an, soit une augmentation moyenne annuelle de 4,381% par an. [1]

Cette croissance exceptionnelle est notamment due à la politique en faveur des colonies menée par B. Netanyahu et ses gouvernements de coalition successifs. Pourtant, même sous le gouvernement travailliste de Y. Rabin, au cours duquel un processus de paix avec la Syrie et l’Autorité Palestinienne est presque arrivé à terme, la croissance des colonies était de 10866 colons en moyenne par an, soit une augmentation moyenne annuelle de 9,842%. [2]

 
Composition du Parlement israélien après les élections législatives du mardi 9 avril - AFP

Composition du Parlement israélien après les élections législatives du mardi 9 avril - AFP

 

L’établissement des colonies par les populations israéliennes est principalement le fait des fractions nationalistes et ultra-orthodoxes de la population du pays. En effet, pour les nationalistes, elles sont un prolongement des combats de l’indépendance et des guerres expansionnistes de l’Etat d’Israël. Les colonies sont également un lieu privilégié de manifestation du nationalisme israélien puisqu’il est courant d’y voir flotter de nombreux drapeaux de l’Etat d’Israël, afin d’y marquer son territoire. Les juifs ultra-orthodoxes se basent sur la Torah pour justifier leur implantation en Judée-Samarie (autre nom de la Cisjordanie). Comme le montrent les récentes élections législatives, ces deux groupes forment une part importante du paysage politique israélien (on dénombre 26 sièges occupés, cf. ci-contre) où ils occupent une position d’arbitre et d’allié potentiel pour former une coalition gouvernementale avec le Likoud. Cette situation permet ainsi aux colonies de se développer sans opposition gouvernementale. Une éventuelle évacuation des colonies de Judée-Samarie par le gouvernement israélien constituerait ainsi un véritable bouleversement de la société israélienne et déboucherait rapidement sur des troubles civils et politiques majeurs, particulièrement venant des juifs ultra-orthodoxes dont une partie nie la légitimité de l’Etat israélien actuel.

Les colonies israéliennes affaiblissent cependant la position de l’état israélien à l’international. Elles sont en effet condamnées par la quasi-totalité des Etats, par l’ONU avec plusieurs résolutions du conseil de sécurité les concernant (la dernière en date étant la 2334 [3]), ainsi que par des ONG telles que Amnesty International. Les pays arabes sont particulièrement opposés à cette occupation du territoire et l’autorité palestinienne considère qu’un accord de paix ne pourra être signé sans le démantèlement des colonies pour permettre la création d’un état palestinien. Néanmoins, l’Etat israélien persiste et signe, et les colonies ne cessent de croître. Ces implantations sont certes illégales au regard du droit international mais elles représentent pour Israël le meilleur moyen d’affirmer sa souveraineté sur les territoires palestiniens. Autant il est facile de condamner ces colonies depuis l’étranger, autant déloger contre leur gré des milliers de personnes implantées dans les territoires palestiniens est autrement plus ardu. C’est ce pari que fait l’Etat d’Israël : si de guerre lasse la communauté internationale abandonne ses condamnations des colonies israéliennes, ce pari aura été gagné.

Les colonies du Golan quant à elles répondent à une problématique plus stratégique. En effet, l’occupation du plateau du Golan assure à l’état d’Israël une bonne position en cas de conflit avec la Syrie. Le plateau est bien plus aisé à défendre que les positions au bord du lac de Tibériade, située plusieurs centaines de mètres en contrebas. Par ailleurs, les armées israéliennes peuvent se déployer à 50 km de Damas et ainsi exercer une pression politique et militaire forte sur le gouvernement syrien. Il faut également noter que cette occupation donne à l’Etat d’Israël le contrôle des sources du Jourdain qui alimentent le lac de Tibériade, celui-ci étant l’une des principales sources d’eau douce d’Israël. Etant un plateau volcanique, le Golan est également très fertile, de nombreux vergers y sont exploités et c’est ici que sont localisés les principaux vignobles israéliens.  Les colonies ainsi présentes sur le plateau n’ont donc pas la portée symbolique des colonies en Cisjordanie mais ont un grand intérêt économique pour Israël. Elles permettent par ailleurs d’ancrer la ligne de défense d’Israël sur le plateau. En occupant le Golan, la probabilité que les villes du nord soient touchées par des roquettes en provenance de la Syrie est plus faible, un argument qui pèse pour ces Israéliens encore marqués par les conflits des années 2000 avec le Hezbollah dans le Sud Liban.

Les colonies constituent ainsi un frein au processus de paix entre Israël, la Syrie et l’Autorité Palestinienne en entravant l’application de la formule « la terre contre la paix ». Les Etats-Unis, principaux médiateurs de ce processus, en avaient blâmé Israël pour les difficultés ainsi introduites dans le dialogue de paix sous l’administration Obama [4]. Cette question cruciale pour la stabilité de la région pourrait évoluer après les élections législatives de septembre prochain. La France pourrait y jouer un rôle de médiateur en tant qu’État très influent à l’international et pourrait ainsi concurrencer les négociations menées par les Etats-Unis qui semblent pour le moment ne pas pouvoir aboutir à une solution durable.

Sources 

[1] Statistical abstract of Israel – N° 61 à 69

Disponible sur :  https://www.cbs.gov.il/en/Pages/search/yearly.aspx

[2] Statistical abstract of Israel – N°50 et 61

Disponible sur :  https://www.cbs.gov.il/en/Pages/search/yearly.aspx

[3] Résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’ONU, 2016

Disponible sur : https://undocs.org/fr/S/RES/2334(2016)

[4] Kerry: Israeli settlements are illegitimate, Al-Jazeera, 06/11/2013

Disponible sur : https://www.aljazeera.com/news/middleeast/2013/11/kerry-israeli-settlements-are-illegitimate-201311613594909400.html