L’arme secrète du Japon : la JETRO

 
Nobuhiko Sasaki (à doite) CEO de la JETRO, serrant la main du Premier Ministre Cambodgien (à gauche), le 29 Mai 2019.

Nobuhiko Sasaki (à doite) CEO de la JETRO, serrant la main du Premier Ministre Cambodgien (à gauche), le 29 Mai 2019.

 

A la suite de la seconde Guerre Mondiale, les principaux combats économiques concernent l’Occident. Hormis l’URSS, aucune économie autre que celles d’un pays issue de la Triade (Europe de l’Ouest, Etats-Unis, Japon) n’est en mesure de prétendre aux premiers rôles. Si les trente glorieuses ont permis notamment à la France de se relever, sa réussite fait pâle figure face à celle du Japon. Cette croissance est principalement due au formidable appareil d’intelligence économique mis sur pieds par le pays du soleil levant.

Tout d’abord, il faut définir ce que l’on entend par Intelligence Économique. Selon Henri Martre « L’intelligence économique peut être définie comme l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l'information utile aux acteurs économiques. Ces diverses actions sont menées légalement avec toutes les garanties de protection nécessaires à la préservation du patrimoine de l'entreprise, dans les meilleures conditions de délais et de coûts. L’information utile est celle dont ont besoin les différents niveaux de décision de l’entreprise ou de la collectivité, pour élaborer et mettre en œuvre de façon cohérente la stratégie et les tactiques nécessaires à l’atteinte des objectifs définis par l’entreprise dans le but d'améliorer sa position dans son environnement concurrentiel.» L’Intelligence Économique se comprend donc comme l’ensemble de moyens qu’une entreprise peut utiliser afin d’acquérir des informations nécessaires à la prise de décisions.

Dans son livre Histoire mondiale de la guerre économique, Adi Laïdi détaille les étapes et évolutions de cette guerre de l’information. L’auteur démontre qu’entre 1945 et 1989 la guerre commerciale entre Etats-Unis, Japon et Europe est sans pitié. Les alliés d’hier deviennent des concurrents. Dans cette environnement il est vital pour un pays de disposer des meilleurs informations afin de positionner le plus efficacement ses pions sur les différents marchés du monde. Dans ce duel à la mexicaine un pays va sortir du lot et imposer son rythme : le Japon.

Selon Adi Laïdi, les japonais disposent de deux choix en 1945 pour redresser leur économie : « soit ils investissent dans la recherche fondamentale et appliquée dans l’espoir de combler leur retard sur l’Europe et les États-Unis, politique opérante mais dont les résultats sont longs à venir ; soit ils s’arrangent pour « récupérer » les secrets technologiques de leurs alliés pour en faire profiter leurs entreprises, politique plus risquée mais qui garantit de bons résultats dans un laps de temps assez court ». Bien entendu le pays du soleil levant opta pour la seconde option, et pour réaliser ce tour de force une arme fut créé : la JETRO.

Mise en place en 1958, l'agence japonaise chargée de la promotion du commerce extérieur est présente dans cinquante-neuf pays en 1985. L’agence ne recule devant rien pour favoriser les intérêts nippons, nous pouvons citer l’affaire Craing Spence : lobbyiste retrouvé mort dans sa chambre  d’hôtel en 1989, soupçonné d’avoir fourni au JETRO des photos de certains officiels américains ayant des relations homosexuelles. Ou l’affaire des carnets techniques d’IBM volés illégalement par l’entreprise Hitachi (les cadres de l’entreprise voulaient s’emparer des secrets de fabrications des ordinateurs d’IBM, ils seront pris en flagrant délit le 22 juin 1982).

Afin de dépasser leurs concurrents occidentaux, les compagnies nippones ont un modèle simple mais diablement efficace : donner au consommateur un produit moins cher et légèrement plus innovant. Pour mener cette politique à bien l’Institut pédagogique pour la création de l’industrie créé en 1962, formant les cadres aux techniques d’espionnage. Il est également nécessaire de bien comprendre ce que produit la concurrence, pour cela le Japon use et abuse du reverse engineering (= démonter un objet pour comprendre son fonctionnement). L’auteur détaille la façon de procéder : « l’entreprise japonaise passe commande d’un seul produit à une entreprise en lui faisant croire que son carnet de commandes pourrait rapidement se remplir. Elle prétend vouloir juste vérifier que ce produit est bien adapté à son marché domestique. En fait, le produit est complètement démonté, étudié et fabriqué, avec de légères modifications, dans des usines japonaises ».

Comme nous l’avons détaillé dans cette série de 3 articles, le miracle économique japonais est plus bien complexe qu’une simple formule. Aujourd’hui encore le Japon tient bon sur le podium des meilleures économies du monde. Cette réussite est expliquée dans un rapport rédigé par la CIA et des universitaires en 1990 intitulé Japan 2000 : « Le Japon a développé une société industrielle d’une efficacité unique au monde, capable d’absorber toutes les technologies les plus avancées et de dominer les marchés mondiaux à un rythme étonnamment rapide. La puissance économique de ce pays prend ses racines dans un projet de conquête économique mondiale foncièrement accepté à tous les niveaux de sa population ».

 

 

Sources :

https://www.annabac.com/annales-bac/la-triade-dans-la-mondialisation

https://portail-ie.fr/les-definitions-de-lintelligence-economique

https://en.wikipedia.org/wiki/Craig_J._Spence