Les canons et la naissance de l’Etat

 
Canons de 24 de Vallière dans la cour des Invalides, conçu par Florent-Jean de Vallière, Directeur-Général des Bataillons et de l’Ecole d’Artillerie sous Louis XV.

Canons de 24 de Vallière dans la cour des Invalides, conçu par Florent-Jean de Vallière, Directeur-Général des Bataillons et de l’Ecole d’Artillerie sous Louis XV.

 

« La France fut faite à coups d’épée. » sont les premiers mots qui introduisent La France et son armée de Charles de Gaulle.  Le futur chef de la France libre était loin d’avoir tort. Mais, il aurait pu ajouter «et l’Etat naquit à coups de canon».  A partir du Moyen-Âge, l’artillerie apparut sur les champs de batailles d’Europe pour y occuper une place de plus en plus prépondérante. Cette nouvelle arme a été vue par les Valois comme un moyen de renforcer la colonne vertébrale de leur royaume, nation balbutiante : l’Etat.

LE CANON CONTRE ALBION

Les canons étaient déjà connus depuis un certain temps en Occident (au moins depuis 1273 au cours du siège d’une cité marocaine). Ils avaient déjà été employé lors des guerres hussites. Les Français avaient goûté amèrement à l’artillerie anglaise dont les bombardes avaient semé peur et désarroi au sein de leurs troupes à Crécy.  Mais, c’est en 1439 que l’artillerie va trouver ses lettres de noblesse parmi les armes de France.

A cette époque, le roi Charles VII n’a qu’une politique : « chasser les Anglais de France, excepté ceux qui y périront » selon le bon mot de Jeanne d’Arc à son procès. Il va alors devenir le père d’un instrument indispensable de souveraineté : l’armée permanente. Des ordonnances royales créent des compagnies de cavalerie (1445) et des compagnies de francs archers (1448). Les «écorcheurs», soldatesque mercenaire pillarde et tueuse, y est engagée pour former une solide infanterie. Les anciens compagnons de Jeanne, Dunois, La Hire et d’autres sont placés à leurs têtes. A la chevalerie et l’infanterie s’ajoute une troisième arme : l’artillerie.

L’artillerie française est entièrement réorganisée par les frères Jean et Gaspard Bureau dans les années 1440. Ces bourgeois, en fait de véritables techniciens, innovent en rendant les canons plus précis. Les innovations se concentrent aussi sur le transport des pièces pour les utiliser de manière offensive. Le roi investit massivement dans l’artillerie et nomme Jean Bureau grand maître de l’artillerie de France.

L’investissement paie rapidement lorsque reprend la guerre. Les forteresses anglaises de Normandie sont pulvérisées par les bouches à feu royales.  A Formigny, ce sont deux couleuvrines qui forcent les Anglais à bouger de leurs positions défensives et les rendent vulnérables à la cavalerie du royaume des lys. Enfin, à Castillon, la guerre de Cent Ans se termine par un coup de tonnerre. Commandée par Jean Bureau, l’armée française forte de 350 couleuvrines vainc sans appel les dernières troupes de la Perfide Albion en moins d’une heure.

LE CANON CONTRE LA FEODALITE

Disposer d’un grand parc d’artillerie nécessite un minimum de centralisation. Charles VII l’a bien compris en nomment un grand maître de l’artillerie. Celui-ci dirige une véritable administration spécialisée qui font des canons un quasi-monopole de la monarchie.

Pour produire ses pièces, le grand maître dispose de tous les moyens techniques (des spécialistes à l’instar des frères Bureau eux-mêmes puis de leurs émules), structurels (des fonderies en grand nombre) et financiers (les impôts royaux). Or, dans le système féodal, aucun seigneur, sauf les plus grands aux commandes vastes domaines, ne dispose en propre de suffisamment de ressources pour concurrencer l’artillerie royale. Lever une armée à partir d’un fief s’avère possible quand il s’agit de piétaille et de chevalerie. Mais, pour des bouches à feu, les vassaux n’ont ni fonds ni experts….

Ainsi, la Ligue du Bien public (1465) et les rebelles de la «guerre folle» (1485-1488) sont écrasés par l’armée permanente du roi et ses canons. Plus aucun château de seigneur ne peut résister au feu des pièces d’artillerie.

LE CANON ET L’AVENIR DE LA FRANCE

Les successeurs de Charles VII utiliseront son artillerie avec le plus grand soin. C’est l’artillerie qui ouvrit les portes de l’Italie à Charles VIII, donna la victoire de Marignan…. Louis XIV fit graver sur ses canons «ultima ratio regum», derniers arguments des rois.

L’artillerie réformée par Gribeauval sauva la Révolution à Valmy et c’est de ses rangs que sortit un génie militaire, Napoléon Bonaparte.

Encore aujourd’hui, les CAESAR français font l’admiration du monde entier. Et, ils figurent parmi les éléments de l’armée de terre qui ont combattu l’Etat islamique au sol. La réputation d’excellence des artilleurs français n’est plus à démontrer.

Le canon a détruit la féodalité et a chassé l’ennemi «héréditaire» du sol national. Il a été depuis de toutes les victoires tricolores. Puisque notre époque connaît de nouveaux développements dans l’art de la guerre, l’artillerie de France se doit de répondre à ses critères de toujours : innovation, précision et victoire !