L’Australie et la Chine : Entre dépendance et conflit

 
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Article écrit par Bastien P.

L’Australie et la Chine : de leur création à nos jours

Historiquement, la Chine et l’Australie ne présentent que peu de points communs. L’Australie tel qu’on la connait aujourd’hui est le fruit de la colonisation anglaise. En effet, jusqu’en 1788, l’île est seulement peuplée par différentes populations indigènes. A partir de cette date, une colonisation progressive et inéluctable se met en place. Celle-ci passe par l’asservissement progressif des autochtones à la couronne d’Angleterre et par l’envoi massif de « colons » (les prisons anglaises sont vidées dans le but de peupler cette nouvelle île). La population locale, estimée à l’époque à 350 000 autochtones, décroit fortement, notamment suite aux famines causées par la surexploitation des terres par les Anglais, de maladies importées d’Europe et plus simplement de massacres perpétués par les colons. En 1855, les 6 colonies australiennes proclament leur indépendance et deviennent autonomes ; elles forment des démocraties parlementaires, puis se rassemblent dans le Commonwealth d’Australie en 1901.

L’Histoire de la Chine quant à elle, remonte au 15e siècle avant notre ère. Elle voit défiler de nombreuses dynasties, qui selon l’époque, unissent le pays et le déchirent. La dernière dynastie est celle des Qing d’ethnie mandchoue. En effet, la Chine passe avec difficulté la révolution industrielle et en 1912 la République est proclamée, puis en 1915, c’est au tour de la Monarchie. Le pays sombre dans un chaos politique et économique. Cependant, en 1925, Tchang Kaï Chek, leader du parti nationaliste (Kuomintang), rétablit l’ordre. Au fil du temps et des guerres, le parti communiste prend de l’importance, et, mené par Mao Zédong prend le pouvoir.

L’Histoire moderne de la Chine est durement marquée par le sceau de la colonisation, notamment japonaise, mais également occidentale avec la guerre de l’Opium et le saccage du Palais d’été à Pékin en 1860 qui reste douloureusement inscrit dans la mémoire populaire entretenu par le Parti Communiste Chinois (PCC).

L’Australie et la Chine ont tous deux été énormément impactés par la colonisation dans leur Histoire. Cependant, l’un y a résisté et l’autre y doit sa fondation. Par cela, ces deux sociétés sont intrinsèquement différentes, voire opposés.

 

Liés par le commerce

L’Australie est une île disposant de ressources naturelles exceptionnelles pour une population de seulement 25 millions d’habitants (3 hab./ km2). On y retrouve des ressources telles que le charbon, le fer, le nickel, l’or, le plomb, du gaz et du pétrole offshore ainsi que des diamants. La Chine possède également une réserve de ressources diverses et importantes. Cependant, la population chinoise de quasiment 1.5 milliards d’habitants fait que la demande est extrêmement forte, que ce soit en terme d’énergie ou simplement de consommation. Pour répondre à ses besoins, la Chine se tourne vers l’Australie. En 2019, la Chine représente quasiment 40% des exportations australiennes et importe de grandes quantités de charbon (pour 8.7 milliards en 2019). La Chine est également le plus grand fournisseur de l’Australie, soit plus de 25% des importations australiennes. On remarque que ces 2 pays possèdent énormément de liens commerciaux mais que le solde commerciale reste favorable à l’Australie.

 

Une situation de conflictualité

La Chine et l’Australie se situent dans la même région du monde. Or, le projet d’expansion chinois, incarné par les « nouvelles routes de la soie » remettent en cause l’équilibre des relations sino-australiennes. En effet, les sphères d’influences chinoise et australienne rentrent en conflit. Le Pacifique-Sud, historiquement sous influence australienne est la proie de la stratégie d’expansion chinoise. Ainsi, on retrouve d’importants investissements chinois dans les Fidji, à Vanuatu et dans les îles Salomon. Dernièrement, différentes enquêtes ont montré que l’infiltration chinoise était présente jusqu’en Australie. Le monde politique est particulièrement visé par ces révélations, qui révèle la corruption importante d’une partie des élites australiennes. Ces révélations poussent notamment à la démission, en 2017, le sénateur travailliste Sam Dastyari, coupable de s’être fait financer différents voyages électoraux par un donateur proche du PCC pour suivre une politique contraire à celle de son parti en mer de Chine et d’inciter le porte-parole aux affaires étrangères australien à annuler une rencontre avec le camp prodémocratie hongkongais.

L’Australie et la Chine se livrent une lutte d’influence au sein même du pays. L’ASIO (Australian Security Intelligence Agency) dénonce des actions de contre-intelligence chinoise. En réponse, la Chine met en avant le racisme dont sa diaspora ferait les frais (la communauté chinoise représente 5.6% de la population australienne).

Dans son projet d’expansion, l’appareil militaire est un des leviers de puissance du PCC. Pour répondre à cette nouvelle menace, l’Australie a proposé en 2016 un projet d’investissement dans la défense. Le budget militaire va quasiment doubler de 21.2 milliards d’euros en 2016 à 58.7 en 2025 et ainsi atteindre le seuil des 2% de PIB. Ce regain d’énergie dans le secteur militaire passe par de nouvelles alliances. Le 17 novembre 2020 a été signé un accord militaire historique entre le Japon et l’Australie. Cet accord d’accès réciproque (RAA) a pour but de contrarier l’influence chinoise dans la zone Indo-Pacifique. L’Australie fait également parti du QUAD (Quadrilateral Security Dialogue) qui comprend également les Etats-Unis, l’Inde et le Japon. Ce groupe a notamment mené des manœuvres navales de haut niveau dans la partie occidentale de l’Océan Indien avec le porte-avion américain Nimitz, le porte-avion indien Vikramaditya ainsi qu’avec des navires australiens et japonais.

L’Australie passe également par les institutions internationales et les médias pour lutter. Durant la pandémie de coronavirus, le premier ministre australien, Scott Morrison, a demandé qu’une enquête soit ouverte sur l’origine du virus en Chine, suivant ainsi l’exemple des Etats-Unis. Plus récemment, le gouvernement australien a dénoncé le traitement des Ouighours en Chine.

En réponse à ces offensives, le gouvernement chinois a annoncé mi-octobre, l’arrêt de l’importation de charbon australien, bloquant ainsi une soixantaine de cargos dans des ports chinois. Cette mesure avait déjà été mise en place durant une courte période en 2019. Un droit de douane de 80.5% a été également instauré sur l’orge australien. Les céréaliers australiens pourraient ainsi y perdre plus de 300 millions d’euros. On estime également fort probable que la Chine ait lancé une cyber-attaque de grande envergure sur les institutions australiennes (politiques, économiques…). En effet, le premier ministre australien parle d’un « acteur étatique ». Or, les experts s’accordent sur le fait que seule la Chine en aurait les capacités et la volonté.

 

Conclusion

Nous venons de le voir, l’Australie et la Chine se retrouvent dans un engrenage les poussant à la surenchère. La région Indo-Pacifique va devenir, si elle ne l’est déjà, la région la plus importante dans les années à venir. La montée aux extrêmes de ces deux états risquent de continuer et par de nombreux aspects reflète le conflit sino-américain.