Le 11 novembre, on célèbre la Victoire, non la paix

 
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De nos jours, lors des commémorations de l’armistice du 11 novembre 1918, il est de coutume d’évoquer les souffrances qu’ont endurées les poilus dans les tranchées. Nous leur rendons hommage aussi, ce qui est bien la moindre des choses (sauf pour quelques capituleurs portant des gilets jaunes). Mais, on oublie trop souvent d’évoquer le sens, le pourquoi de ces souffrances pour les remplacer par des préoccupations contemporaines. Or, ces préoccupations actuelles ne sont celles qui ont poussé des millions d’hommes à s’enterrer dans des tranchées.  

Evidemment, la Première Guerre mondiale a été une hécatombe, un gâchis, « la plus monumentale ânerie que le monde ait jamais faite » selon le mot du maréchal Lyautey. Mais, cette guerre n’a pas été menée pour parvenir à une paix honteuse sans honneur mais pour conduire les peuples à la victoire.

Non. Les poilus n’étaient pas pour l’essentiel des « civils que l’on avait armés ». Il s’agissait de citoyens. Or, à l’époque, les citoyens étaient naturellement « aussi des soldats qui se devaient à la défense de la patrie ». Le citoyen défend la cité lorsque celle-ci est en danger. C’est un des fondements des Etats libres (comme l’a démontré Machiavel). Or, il ne faudrait pas l’oublier, le Royaume de Belgique, tout comme la République française, étaient bel et bien menacés en août 1914. Nous avons été envahis et ravagés. Les quatre millions d’hommes qui se sont rassemblés alors n’étaient pas des civils naïfs. C’était absolument tous des soldats d’active ou de réserve qui répondaient consciemment à l’appel à défendre la patrie en danger. Il n’y avait alors et il n’y aura jamais aucun doute parmi eux sur la justesse de ce combat sinon sur la manière de le mener. Même les pires mutineries de 1917 ont été à cet égard bien plus des grèves que des révoltes. Jamais l’idée d’arrêter le combat et d’accepter la défaite n’était dans l’esprit des soldats-citoyens.

Ce combat, ils ne l’ont pas mené non plus sous la contrainte impitoyable et au profit d’une caste de profiteurs mais pour « faire leur devoir », selon les mots qui reviennent sans cesse dans leurs lettres. Ils n’auraient jamais combattu avec une telle force si cela n’avait pas été le cas. Faut-il rappeler que le nombre d’exemptés demandant à aller au combat malgré tout a toujours été très supérieur à celui des réfractaires ? Que ce nombre très faible de réfractaires n’a cessé de diminuer avec la guerre ? Dire que leur combat n’avait pas de sens, ce qui est le cas lorsqu’on refuse d’évoquer la victoire, équivaudrait à traiter ces hommes d’idiots. Ils savaient ce qu’ils faisaient. Ils méritent bien mieux que devenir des victimes au nom de la bien-pensance.

D’ailleurs ces « civils que l’on a armés » et qui auraient pris sur eux toute la charge du combat, de qui faudrait-il les distinguer ? De leurs officiers, dont un sur quatre a laissé la vie dans l’infanterie ? De leurs généraux, ceux-là même dont 102 sont « morts pour la France » en quatre ans ? Des dirigeants et représentants du peuple, dont seize sont tombés portant l’uniforme face à l’ennemi ? Il n’y a pas de privilège quand on est en première ligne.

Ce sont les nations qui font les guerres et non les armées. La guerre est un acte politique. Célébrer la fin de la guerre sans célébrer la victoire, c’est refuser la politique et sans politique l’emploi de la force n’est que violence criminelle. Refuser la politique et donc la victoire, c’est traiter les gouvernements alliés pendant la Grande Guerre comme l’on traite les organisations terroristes lorsqu’on leur nie tout projet politique et on les cantonne à la folie. C’est placer le roi-soldat Albert Ier ou le grand Clemenceau au rang de criminels et tous les soldats à celui de victimes. Et si les événements n’ont été que pure criminalité de la part des dirigeants de l’époque, la suite logique en serait pour les dirigeants actuels de s’en excuser, encore une fois.

Sans la défaite de l’armée allemande, concrétisée par l’armistice du 11 novembre 1918,  l’Europe n’aurait pas été la même. Il est difficile d’imaginer que la situation aurait été meilleure sous la férule du Reich wilhelmien. La moindre des choses serait de le rappeler et de le dire, à moins qu’une loi mémorielle non écrite interdise de fâcher nos « amis » d’aujourd’hui parce qu’ils ont été nos vaincus hier. .

La victimisation n’est peut-être qu’une tendance actuelle (espérons-le). Elle n’était pas du tout celle de mes ancêtres tombés en menant leurs troupes dans la boue de l’Yser ou en défendant un bout de France nommé Verdun. Ils n’auraient absolument pas compris qu’on leur vole ce pourquoi eux et leurs frères d’armes se sont battus.