Le royalisme français, les raisons d’un échec politique

 
Louis-Philippe Ier

Louis-Philippe Ier

 

Considérons, comme beaucoup d’historiens et politologues, que la France naquît avec le baptême de Clovis en 496. Pendant 1500 ans, notre pays fut gouverné par des rois, régents et princes. De facto, la monarchie occupe une place politique capitale dans l’histoire nationale. Mais aujourd’hui, alors que la France est administrée par un régime républicain, les partis et mouvements politiques royalistes tiennent plutôt du groupuscule ultra-minoritaire. Non-représentés à l’Assemblée nationale depuis les années 1920, les royalistes ne représentent plus qu’une infime partie de la population française. Pourtant, dans l’imaginaire collectif, les symboles culturels de la France sont quasiment tous issus de la royauté : Versailles, l’arc de Triomphe, Chambord, le Louvre, Notre-Dame de Paris, la Sainte-Chapelle, les fleurs de lys, etc. Comment expliquer cette inexorable descente aux enfers ? Pourquoi le royalisme, pourtant historiquement légitime dans notre pays, a-t-il disparu du spectre politique national ?

D’abord, il convient de définir ce que nous entendons par « royalisme ». Selon l’Académie française qui fait autorité en matières linguistiques, c’est une « doctrine, attitude politique de ceux qui affirment leur attachement au roi ou à la royauté ». La France n’ayant aujourd’hui plus de roi, le royalisme peut être compris comme un soutien politique à la royauté. Cette dernière, contrairement aux croyances populaires, n’est pas née avec Clovis et ses Francs, mais bien avec Auguste César en l’an 27 de l’ère préchrétienne. Les Gaules, alors provinces romaines, expérimentent la monarchie, c’est-à-dire l’autorité politique suprême d’un individu en l’occurrence l’empereur de Rome. C’est sur les cendres encore fumantes de la monarchie impériale des Romains que les barbares francs vont réhabiliter le concept, le réassociant d’ailleurs à la religion impériale officielle : le christianisme. Malgré l’existence de quatre races dynastiques (Mérovingiens, Carolingiens, Capétiens et Bonapartiens), la conception française de la monarchie ne variera que peu au fil des siècles ; se revendiquant l’héritière de la dignité impériale romaine, légitimée par le pouvoir spirituel de l’Église. Un royaliste est donc le partisan de la monarchie française, de droit divin et d’ascendance romaine.

Mais l’histoire complexifie quelque peu les choses. En réalité, le royalisme à proprement parler n’apparaît que à la suite de la Révolution de 1789 – en témoigne l’apparition du terme qu’à partir de la 6ème édition du dictionnaire de l’Académie française en 1835. De plus, ce qui pouvait s’apparenter à un attachement aux institutions traditionnelles face aux mouvements républicains grandissant, va connaître différents mouvements attachés à des prétendants dynastiques à partir de la proclamation de la République et l’exécution de Louis XVI au cours des années 1790. Le sacre de Napoléon Bonaparte créé un parti bonapartiste favorable à la nouvelle dynastie impériale. En contrepartie, les soutiens des Capétiens-Bourbons, deviennent légitimistes – d’abord en faveur du fils de Louis XVI, Louis XVII, puis son frère Louis XVIII. En 1830, la chute finale des rois Capétiens-Bourbons mène au couronnement des Capétiens-Bourbons d’Orléans avec Louis-Philippe, duc d’Orléans. C’est la naissance du mouvement orléaniste. Ainsi, en 1870, trois mouvements royalistes coexistent, s’affrontant l’un l’autre et défendant chacun leur prétendant jugé légitime.

Nous en venons donc aux points principaux de la déchéance du royalisme en France : la désunion et l’illégitimité. Incapables de s’unir, les royalistes perdent le pouvoir face aux républicains à la fin des années 1870. En 1873, le comte de Chambord (légitimiste) refuse un compromis avec les orléanistes quant à une éventuelle restauration monarchique. Le mouvement royaliste connaît alors une lente déliquescence malgré l’association renouvelée avec l’Église catholique de France. Mais rien n’y fait : la République l’emporte grâce à l’Instruction publique et ses forces armées. La victoire de 1918 consacre un régime fragile qui démontre sa capacité à tenir face aux chocs extérieurs comme intérieurs (affaire Dreyfus, affaire des fiches, scandale du Panama, etc.). Enfin, il convient de rappeler que dans une société française postrévolutionnaire attachée à la méritocratie, les liens du sang ne suffisent plus pour s’imposer dans le paysage politique. La pratique des campagnes électorales ainsi que le manque de légitimité vont finir d’achever le royalisme – le reléguant au républicanisme conservateur tout au plus.

Aujourd’hui, le royalisme n’est plus considéré comme une alternative viable face à la République. Déjà en 1940, les adversaires de la Troisième République avait choisi un régime autoritaire mais non-monarchique – tant le républicanisme était ancré dans les esprits. Perçu comme rétrograde, désuet et anachronique, le royalisme demeure pourtant une école de pensée idéologique et politique prestigieuse forte de l’expérience des siècles passés.