L’entre-deux-guerres, dernier leadership français ?

 
Georges Clemenceau avec le Premier ministre du Royaume-Uni, David Lloyd George, et le président du Conseil des ministres d'Italie, Vittorio Emanuele Orlando, probablement en 1919 - Bain News Service

Georges Clemenceau avec le Premier ministre du Royaume-Uni, David Lloyd George, et le président du Conseil des ministres d'Italie, Vittorio Emanuele Orlando, probablement en 1919 - Bain News Service

 

L’entre-deux-guerres a été une période oubliée où la France a connu un rayonnement inespérée. Après sa victoire, la Grande Nation semble établir un nouveau leadership sur l’Ancien Continent. Cet article examine trois piliers qui ont soutenu cette prédominance.

LA GRANDE ARMEE DE 1918

1918. Après quatre années de guerre, l’armée allemande se retire vaincue des territoires occupés. Les Allemands ont été défaits une seconde fois sur la Marne puis repoussés par des offensives successives. Ils finissent par signer l’armistice du 11 novembre. C’est la victoire des Alliés. C’est la victoire de la France qui efface 1870. C’est la victoire de l’armée française.

L’armée française de 1918 est une nouvelle Grande Armée : des troupes de vétérans motivés, des unités mobiles, à la pointe du progrès technique et doctrinal, menée par des chefs brillants : Foch, Pétain, Franchet d’Espèrey, Mangin ou Castelnau…. L’armistice empêche cette Grande Armée d’infliger un nouvel Iéna aux Allemands. Une offensive générale était planifiée pour le 13 novembre. Elle devait conduire les Français aux portes de Berlin. Elle n’eut jamais lieu. Si les Allemands ne se rendent pas compte de ce à quoi ils ont échappé, les Anglais et les Américains le savent. Et, une France trop puissante ne convenait pas à leurs intérêts….

Les armées françaises sont fortes d’un million d’hommes. Formant le plus gros contingent des armées alliées, c’est donc un Français, le maréchal Foch, qui en est le généralissime. L’industrie de guerre française équipe les armées roumaine, serbe, belge et américaine. Un tiers des membres de la brigade de chars de Patton est français ! Le drapeau tricolore flotte sur tous les fronts : en Italie, dans les Balkans et en Orient. Ce sont les Français arrivés en renfort qui ont sauvé l’armée britannique en mars 1918 à l’Ouest.

Divisions aériennes, bataillons de chars de combat autonomes, artillerie mobile, transport de l’infanterie en camion, canons longue distance sont autant d’atouts qui font de l’armée française l’armée la plus puissante du monde.

UNE PREMIERE EUROPE DE LA DEFENSE

Cette force est utilisée intelligemment par le gouvernement Clémenceau et ses successeurs pour établir la sécurité de la France et défendre ses intérêts.

Des troupes sont envoyées pour soutenir les Blancs russes en Crimée. Les Français mettent fin à la république soviétique de Hongrie. Une mission militaire conseille à tous les niveaux l’armée polonaise et ses efforts stoppent l’Armée rouge devant Varsovie. Les poilus conquièrent le Levant pour y établir un mandat de la SDN.

Mais, c’est en face de l’Allemagne qu’est maintenu le gros des troupes. Beaucoup à Paris souhaite alors reprendre les frontières naturelles et de démanteler le Reich haï. La Bavière, le Hanovre, la Rhénanie et le Schleswig réclament déjà le droit disposer de leur sort. A Cologne, le maire, un certain Konrad Adenauer, veut un Etat sous la protection de la France… Las, les Anglo-Saxons ne veulent pas de la disparition d’un géant géopolitique dont la place ne serait comblée que par la puissance française. Exit donc la fin du Reich, il faudra attendre 1945…

En attendant, fort de son armée, la France va faire jouer sa diplomatie. Dans les années d’après-guerre, le Quai d’Orsay signe des traités d’alliance avec la Belgique, la Pologne, la Tchécoslovaquie. La diplomatie française parraine l’Entente balkanique entre la Yougoslavie, la Roumanie et la Grèce. A cette époque plus que jamais, l’Italie est la «sœur latine» de la France.

En peu de temps, la France a lié entre elles la plupart des nations européennes autour de l’Hexagone. Ces alliances ont deux buts : isoler et encercler l’Allemagne en cas de revanche et former un cordon sanitaire autour de la nouvelle Union soviétique. Pour les Etats-nations (re)devenus indépendants, la nation française est un modèle à imiter et un guide à suivre !

UNE REPUBLIQUE FORTE

Les élections législatives de 1919 portent au pouvoir le Bloc national, une coalition des partis de la droite et du centre. «La Chambre bleue horizon» (la couleur des uniformes des Poilus) promeut l’union sacrée et la résolution des crises sociales.

Les gouvernements du Bloc national veulent faire payer à l’Allemagne ses indemnités pour ses pillages et ses dévastations systématiques pour reconstruire et développer l’économie française. Pour ce faire, ils misent sur la fermeté. Ainsi, devant la mauvaise foi teutonne, ils font occuper la Ruhr.

Les chefs du Bloc national veulent renforcer la République. A leurs yeux, cela passe par un renforcement des pouvoirs du président de la République et son implication dans la vie du pays.

POUR CONCLURE

Le général de Gaulle disait que «pour que la France joue son rôle, il faut qu’elle soit la France». Pour jouer ce rôle, la France se doit d’être souveraine. Cette souveraineté repose sur plusieurs piliers que l’on a évoqués : des forces armées fortes, une diplomatie active et réaliste, un système et des élites politiques conscientes de leur responsabilité. Ce n’est qu’à ces conditions que notre nation peut réellement peser dans le monde et non en comptant sur des organisations supranationales ou sur la bienveillance des «Grands».