Les États-Unis, protecteurs des démocraties ?

 
Statue de la Liberté - Licas Franco - Unsplash

Statue de la Liberté - Licas Franco - Unsplash

 

La rencontre hautement symbolique de Donald J. Trump et de Kim Jong-Un le 30 Juin 2019 sur le sol de la Corée du Nord intervient dans un contexte de détente des relations entre les deux Corée. Les États-Unis, conduits par leur président, désirent à terme faire tomber le régime dictatorial de la Corée du Nord existant depuis 1948. Si la méthode armée semble abandonnée c'est par la méthode diplomatique que les États-Unis veulent amener cette Corée à se démocratiser et devenir moins dangereuse envers le monde. Cette initiative n'est que la dernière d'une longue lignée de pareilles actions ; en partant de la libération de l'Europe en 1944 -1945, en passant par la protection des démocraties occidentales envers l'URSS puis par les guerres du Moyen-Orient, les américains ont toujours défendu avec vigueur les démocraties et leurs peuples en se présentant comme les protecteurs ultimes des régimes démocratiques et du Monde Libre.

Cette vision des États-Unis est erronée. Pire - n'étant pas les protecteurs du monde libre ils exercent une tendance inverse. Ils ne cherchent qu'à accomplir leurs propres intérêts et n'hésitent pas à entrer en conflit avec une démocratie s’ils peuvent en profiter. Le terme de « Monde Libre » existe depuis la Seconde Guerre mondiale, la signification de ce terme évolue au fil des années en passant par les pays alliés contre le fascisme, puis par les démocraties occidentales contre le communisme pour continuer comme étant les régimes démocratiques libéraux contre les menaces dictatoriales. C'est depuis leur entrée dans la Seconde Guerre mondiale puis dans la Guerre Froide que les États-Unis se désignent comme protecteurs des démocraties et du Monde Libre. Cette désignation a pour but de donner une image et un titre idéologique à ce pays. Image et titre faux, en effet il est très simple de démonter cette affirmation américaine ; il s'agit tout simplement de démontrer que factuellement les États-Unis ont toujours portés atteinte à des démocraties au cours de leur histoire pour servir leurs propres intérêts.

Le non-respect de la démocratie commence avant même la fin de la Seconde Guerre mondiale. En effet, sortant de leur isolationnisme et s'étant rendu compte de l'étendue de leur puissance les États-Unis désirent étendre leur influence au niveau mondial. En 1944 lors de la libération de la France ils essayent d'imposer un régime militaire ce qui, heureusement, échoue. A la fin de la guerre c'est de l'autre côté du monde que se porte leur attention, après la reddition du Japon. Ce dernier est immédiatement placé sous contrôle militaire et aujourd'hui encore reste dépendant des États-Unis dans certains domaines malgré leur désintérêt pour le conflit armé et leur forme de régime démocratique. Une nouvelle idéologie se crée.

La doctrine Truman de 1947 annonçait « soutenir les peuples libres qui résistent a des tentatives d’asservissement », les américains se portaient protecteurs de la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes. Mais dès le début de la Guerre Froide les États-Unis s'illustrent ne respectant pas leur titre de protecteurs des démocraties. En effet en 1946 la guerre civile commence en Grèce entre démocrates et royalistes du fait de la mésentente entre résistance et armée régulière. Cette guerre civile voit deux géants s'affronter derrière les deux camps : les deux Blocs. Les États-Unis soutiennent l'armée régulière qui se caractérise par son royalisme. Lors de la fin de la guerre civile une timide période d'ouverture démocratique a lieu du fait de la tenue d'élections, mais en 1967 un coup d’état est orchestré par l'armée et met fin à toute démocratisation. Ce coup d'état permettra à la « dictature des colonels » de naître. Il a été prouvé que la CIA l’avait soutenu. Les États-Unis ne pouvaient pas se permettre de voir ce pays tourner vers le communisme si les élections avaient lieu.

L'Amérique du Sud a été le théâtre d'affrontements entre Soviétiques et Américains lors de la Guerre Froide. Les États-Unis considéraient ce continent comme leur pré-carré et ne voulaient pas que l'URSS pose le pied idéologique dessus. Les Américains se sont donc servis de la CIA pour supporter des régimes dictatoriaux, quitte à empêcher toute démocratisation voire non communiste. L'exemple le plus probant se trouve être le Chili ; dans les années 70 le pays est dirigé par le président Allende et son gouvernement socialiste, il souhaite nationaliser les entreprises étrangères situées sur son territoire pour pouvoir disposer de ses propres ressources. Mais en 1973 un coup d’état militaire prive le pays de démocratisation et met en place une dictature militaire. Ce coup d’état a aussi été en partie orchestré par la CIA, qui finançait depuis un moment l'opposition au président Allende. Cette dictature de Droite a immédiatement eu le soutien des ÉtatsUnis notamment du fait du contexte de la Guerre Froide. Au final l'Amérique du Sud dans son entièreté aura été sous « contrôle » américain, tout gouvernement même démocratique devait soutenir ces derniers sous peine de sanctions économiques, politiques ou bien armées.

Le Moyen-Orient était une partie du monde déchirée entre les deux Blocs durant la Guerre Froide. L'importance stratégique de cette région rendait les conflits d'influences américanosoviétiques inévitables. L'allié le plus puissant des États-Unis dans cette zone était sans conteste l'Iran - dirigée Shah (roi). En 1979 arrive la révolution iranienne, d'abord populaire elle devient plus tard islamique. Dans un premier temps cette révolution n'avait pour seul but que de s'émanciper d'un régime dictatorial oppressif. Les États-Unis, grands protecteurs de leurs propres intérêts et non du Monde Libre comme ils l'entendent, ne soutiennent pas la révolution mais au contraire isolent l'Iran de la scène internationale. Ils arment l'Irak et envahissent la toute nouvelle république en 1980 pour rétablir un régime leur étant dévoué. Cette guerre et son but échouent mais montrent la volonté des États-Unis de protéger leurs intérêts dans la région à tout prix.

« Ce sont des bâtards mais ce sont nos bâtards »
— Lyndon Johnson, homme d'État américain

D'après cette citation il était donc tout à fait normal du point de vue américain de soutenir des dictatures au dépend de leurs peuples dans le contexte de la Guerre Froide. Il aurait été logique de croire qu'après la Guerre Froide la première puissance mondiale n'ayant plus de rival aurait arrêté de soutenir autant de dictatures. Il n'en a rien été ; Irak jusqu'en 1990 ou encore Arabie Saoudite illustrent le désir des États-Unis de se reposer sur des dictatures pour asseoir leur hégémonie mondiale.

Pourquoi se servir des systèmes politiques dictatoriaux ? Cela s'explique surtout dans un registre de continuité, lors de la Guerre Froide surtout, démocratie signifiait changement de gouvernement régulier et donc changement de politique. Selon la politique américaine il vaut mieux soutenir une dictature qui ne risque vaguement qu'une révolution plutôt qu'une démocratie qui risque de retirer une partie de son soutien aux américains à chaque élection ou pire, de sombrer dans le communisme. De plus un régime non démocratique serait plus enclin à favoriser son armée au dépend du bien être de son peuple, sa survie même dépendant de cette armée. La dictature serait donc plus avantageuse comme alliée au niveau militaire et au niveau du long terme.

Il est intéressant de faire la comparaison entre la politique étrangère passée des États-Unis notamment au sein de la Guerre Froide et sa politique étrangère présente. Israël ne respecte en aucun cas le peuple jordanien et son système politique. Il est logique de dire que l’État d’Israël, du fait de son emprise sur le peuple jordanien, ne correspond pas à un état de Droit, et pourtant ce pays dispose du soutien inconditionnel des États-Unis, de même pour l’Arabie Saoudite. Si les États-Unis ne respectaient pas leur titre de protecteurs des démocraties dans le passé ils ne le respectent donc pas dans le présent non plus. Cette vision fausse des États-Unis voulue par eux-mêmes aide dangereusement ces derniers à servir leurs seuls intérêts. Il est important de se rendre compte que leur idéologie est fausse et qu'ils ne font part que de pragmatisme en dénigrant toute morale politique. Loin de critiquer ce manque de moralité politique le but de cet écrit est simplement de montrer qu'une telle idéologie n'est que mensonge. Il serait donc logique par la suite de voir ce qu'il en est des belles affirmations des autres pays du monde afin de laisser place à la vérité. Aucune morale ne dirige les politiques mondiales seul le pragmatisme politique aussi appelé Realpolitik existe.

Sources :

Thucydide: http://www.thucydide.com/realisations/comprendre/usa/usa1.htm

Anticommunisme, culture américaine : https://cultureamericaine.hypotheses.org/tag/anticommunisme Histoire du XXème siècle de Bernstein et Milza, tome 1,2 et 3.