L’Europe c’est la paix : genèse d’un mensonge

 
Guerre du Kosovo, 1999 - Des réfugiés ammassés sur un No-man’s land près de Blace en Macédoine - Photo: Yunghi Kim/Contact Press Images

Guerre du Kosovo, 1999 - Des réfugiés ammassés sur un No-man’s land près de Blace en Macédoine - Photo: Yunghi Kim/Contact Press Images

 

L’Europe en tant que continent est un champs de batailles. Depuis l’avènement des premières civilisations humaines au cœur du bassin méditerranéen, ce territoire a connu des centaines d’affrontements armés ainsi que d’innombrables et interminables guerres. Berceau des concepts politiques fondamentaux d’État-nation, de Souveraineté et d’Indépendance, le Vieux-Continent observe désormais une période inédite de paix. Du moins, c’est ce que tentent de faire croire les adorateurs et dogmatiques partisans du projet d’Europe fédérale. Depuis 1945 et la fin de la Seconde Guerre mondiale, les institutions supranationales qui ont successivement vu le jour n’ont eu de cesse de défendre le premier de leurs « accomplissements ».

« Berceau des concepts politiques fondamentaux d’État-nation, de Souveraineté et d’Indépendance, le Vieux-Continent observe désormais une période inédite de paix »

Pourtant, la paix n’est ni le fait de ces mêmes institutions ni même de l’Europe. Mais avant, il convient de définir cette période fantasmée de paix et d’amitié sur le continent européen. La formule européiste « L’Europe c’est la paix » affirme qu’il n’y a pas eu de conflits majeurs et massifs depuis 1945 et la fin du second affrontement mondial. Cependant, depuis cette même date, l’Europe a connu l’éclatement de 16 conflits dont 13 guerres civiles et 3 confrontations conventionnelles et internationales. En 1968, le Pacte de Varsovie envahissait la Tchécoslovaquie. Chypre subissait le même sort de la part de la Turquie en 1974. En 1991, la Yougoslavie implosait et ouvrait la voie à un conflit interethnique total. Plus récemment, des affrontements opposent Ukrainiens russophiles et européistes depuis 2014 pour un bilan provisoire de 13 000 morts et plus de 2 millions de déplacés. Il est donc abusif d’affirmer que la paix est totale en Europe depuis bientôt 80 ans…

« [Depuis 1945], l’Europe a connu l’éclatement de 16 conflits dont 13 guerres civiles et 3 confrontations conventionnelles et internationales »

Mais si cet argument est si souvent entendu, notamment en France, c’est bien parce qu’il symbolise l’arrêt d’un siècle d’impérialisme et de militarisme allemand. En effet, Paris et Berlin ont connu trois guerres totales qui ont conduit à la mort d’environ 12 millions de Français et d’Allemands entre 1870 et 1945. Or, depuis la chute finale du Reich, plus aucune confrontation directe n’a émaillé les relations diplomatiques entre les deux pays-voisins. Au contraire, ceux-ci font désormais partie de la même alliance militaire (OTAN), économique et politique (Union européenne).

Mais le mystère initial reste entier : quelles sont les raisons de la paix extraordinaire que connaît l’Europe depuis 1945 ? Les institutions européennes ? Les États européens ? Aucun des deux. Ce sont en réalité l’épuisement militaire, économique et industriel des grandes puissances européennes d’antan (France, Royaume-Uni, Allemagne) face aux nouveaux empires (États-Unis, Russie, Chine) et l’invention de l’arme atomique qui seuls ont garanti la paix pendant tout ce temps. Au lendemain du second conflit mondial, les trois puissances française, allemande et britannique sont ruinées et épuisées. La France – Chine de l’Europe pendant des siècles – pleure la disparition de millions d’hommes à la Marne, la Somme, Verdun et le Chemin des Dames. L’Allemagne a enfin été domptée ; il en aura fallu le sacrifice de l’Empire britannique qui laisse sa place à l’Amérique pour diriger l’Occident. Plus aucune de ces trois nations n’est alors capable de s’imposer – toutes sont ruinées. Les États-Unis, eux, n’ont subi aucun dommage sur leur territoire national et accusent des pertes humaines extrêmement faibles du fait de leurs engagements tardifs. Washington n’a plus qu’à se baisser pour ramasser les cendres du phare de la civilisation occidentale… Parallèlement, la mise au point de l’arme nucléaire, sa prolifération et sa capacité hautement dissuasive ont permis non seulement de maintenir la paix en Europe mais aussi dans le monde puisqu’il n’existe plus aucun conflit d’importance sur le globe depuis 1945. La peur de l’anéantissement général explique cette nouvelle Pax Americana et détruit la propagande européenne qui cherche, à dessein, à imposer une vision angélique et bienfaitrice de ses propres institutions – comme une justification perpétuelle de son utilité…

« Ce sont l’épuisement militaire, économique et industriel des grandes puissances européennes […] et l’invention de l’arme atomique qui seuls ont garanti la paix »

C’est donc la guerre et l’atome qui ont permis d’imposer une paix durable en Europe après des millénaires de déchirements. Pourtant, là où les armes ont laissé la place à l’économie, on assiste au retour des anciens antagonismes comme lors du Brexit où la traditionnelle anglophobie française a su ressurgir ainsi que pendant la crise sanitaire de la Covid-19 où c’est la francophobie allemande qui est revenue en force ; difficile de faire table rase de milliers d’années de constructions nationales…


Sources :

https://www.lepoint.fr/phebe/phebe-la-paix-un-excellent-argument-de-vente-pour-l-ue-28-05-2020-2377316_3590.php#

https://www.lexpress.fr/actualite/monde/la-bombe-atomique-meilleure-amie-de-la-paix_1956537.html