Quinquennat : le coup d’État des élections

 
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Qu’est-ce que le quinquennat ? Un mandat présidentiel de cinq années. D’un point de vue historique, cette période s’impose très tardivement – les chefs de l’État étant, à l’exception de l’Ancien Régime et des monarchies post-révolutionnaires dépendant de l’hérédité et de la longévité du souverain, mandataires pendant 4, 7 ou 10 ans uniquement. Longtemps présenté comme une opportunité de renouvellement politique et d’efficacité exécutive (empêchant le phénomène soi-disant instable d’alternance), le quinquennat a, dans les faits, offert les pleins pouvoirs à l’Exécutif français depuis 2002 et sa mise en place effective.

Traditionnellement, le mandat du chef de l'État français a varié entre trois périodes. Sous le Consulat napoléonien, il était fixé à 10 ans avant d’être modifié pour la perpétuité puis l’hérédité impériale. Après son coup d'État, le futur Napoléon III rétablira cette durée. La dernière occurrence constitutionnelle intervient en 1958 au cours des travaux portant sur la Cinquième République où Michel Debré l'avait évoqué comme possible. Un mandat aussi long suppose une forte stabilité et rapproche le chef de l'État du statut de monarque, sorte de synthèse entre le passé royal de la France et son présent républicain. La Deuxième République, s’inspirant de l’expérience institutionnelle américaine, introduit le mandat de 4 ans dans une optique démocratique. C’est un échec cuisant d’autant plus que l’impossibilité pour un chef légitime (élu au suffrage universel direct) et populaire de se représenter à l’issue va conduire au coup d’État de 1851. Enfin, un compromis s’impose avec la Troisième République. Le mandat de 7 ans est mis en place dès 1873. À l’origine, c’est une mesure pragmatique qui vise à attendre le décès du prétendant légitimiste Henri d’Artois bloquant toute restauration monarchique par son intransigeance idéologique. Mais cette période permît aux républicains de conquérir les institutions. Finalement, le septennat fut conservé, d’autant plus que le chef de l’État n’avait qu’un rôle symbolique.

Avec la Cinquième République, le pouvoir présidentiel gagne en puissance. La restauration du suffrage universel direct comme modalité d’élection lui confère une légitimité nouvelle qui ne manque pas d’agacer une classe politique autrefois acquise au parlementarisme. Mais d’autres y voient une opportunité d’effectuer un véritable coup d’État institutionnel. C’est ainsi qu’est proposée par référendum la mise en place du quinquennat (2000). Approuvée à une large majorité populaire (malgré une très forte abstention), la réforme consacre une synchronisation entre l’élection du président de la République et celle de l’Assemblée nationale. Dès lors, tous les chefs de l’État élus auront une majorité parlementaire acquise à leurs idées. À l’exception de François Hollande qui n’obtient qu’une majorité relative (49% des sièges), tous les autres présidents bénéficient d’une majorité absolue. Sans dissolution ni démission, il devient impossible de désynchroniser le cycle électoral, imposant un véritable parti unique en France. Loin de rendre les institutions plus démocratiques, le quinquennat a renforcé la mainmise d’un exécutif de plus en plus absolu et incontestable, y compris par les voies électorales classiques.

De plus, là où le septennat offrait une vision à long terme, le quinquennat ramène les mandataires à penser plus tôt à leur réélection ce qui amène, comme aux États-Unis, à des campagnes électorales perpétuelles et une déficience administrative et gouvernementale profonde. L’État n’est plus ni gouverné ni dirigé mais administré, gérant les affaires courantes au gré des volontés présidentielles. Enfin, le Premier ministre n’est plus le chef du gouvernement mais un fusible destiné à encaisser les coups politiques, un puit gravitationnel qui doit permettre la sauvegarde de l’image du président-candidat – aux antipodes de la philosophie constitutionnelle de la Cinquième République gaullienne…