The Boris Bridge

Le pont Øresund reliant le Danemark et la Suède, mi-aérien mi-sous-marin, sert de model au projet de Boris Johnson - Nick-D / Wikipédia

Le pont Øresund reliant le Danemark et la Suède, mi-aérien mi-sous-marin, sert de model au projet de Boris Johnson - Nick-D / Wikipédia

Toutes les époques de l’Histoire ont vu germer dans l’esprit de certains dirigeants des projets architecturaux pharaoniques, destinés à marquer leur empreinte sur le monde. Ces grands projets devaient répondre à des besoins religieux comme les pyramides ou les magnifiques monuments de l’Eglise catholique, économiques comme les canaux de Suez ou de Panama voire même stratégique comme la grande muraille de Chine et la ceinture de fer de Vauban.

Le premier ministre britannique Boris Johnson semble s’inscrire dans cette lignée de bâtisseurs.

THE BORIS BRIDGE

L’idée du chef du gouvernement de Sa Majesté est de relier l’Ecosse et l’Irlande du Nord, province britannique par un pont. Ce pont serait long d’environ 20 kilomètres et partirait de Portpatrick en Ecosse pour atteindre Larne en Irlande du Nord.

L’immense ouvrage d’art devrait être capable d’accueillir à la fois le transport ferroviaire et le transport automobile.

Les Anglais s’inspirent du pont Øresund qui fait la liaison entre la Suède et le Danemark. D’ailleurs, construire des ponts est à la mode en Europe en ce moment. Par exemple, le pont de Crimée voulu par le Kremlin pour «arrimer» la Crimée retrouvée au reste du territoire russe. 

L’actualité des îles britannique pousse Downing Street à lancer ce projet. En effet, la victoire des nationalistes en Irlande du Sud (la république d’Irlande, un Etat souverain) et les velléités séparatistes du Scottish National Party menacent l’unité du Royaume-Uni.

ONE NATION TORY

Plus largement, le projet de construction d’un tel pont n’est qu’un pan de la nouvelle politique qu’entend mener Boris Johnson pendant son mandat. Triomphalement réélu pour mener le Brexit à bien, l’ancien maire de Londres veut aussi se débarrasser des vieux habits libéraux du Parti conservateur.

Ainsi, le modèle de Boris Johnson n’est pas Margareth Thatcher mais Benjamin Disraeli. Ce dernier était premier ministre du Royaume-Uni durant son apogée, la fameuse pax britannica, au XIXe siècle. Disraeli était un partisan de la Couronne, de l’impérialisme anglais et du protectionnisme. Il avait théorisé la One Tory Nation, un projet visant à réunifier toutes les classes sociales du pays autour de projets communs. Il avait dans ce but abaissé constamment le cens électoral pour permettre aux classes populaires d’accéder au droit de vote.

Aujourd’hui, Boris Johnson veut recréer l’unité sociale de la nation britannique. Cela passe par le nivellement économique de l’ensemble du Royaume par le haut, aligné sur Londres et le sud-est de l’Angleterre prospère.

Construire un pont reliant différentes parties du Royaume est un projet symbolique mais il se fond dans une masse : investissements dans le système national de santé, investissements dans les chemins de fer, amélioration des infrastructures et des équipements scolaires,…

De l’autre côté de la Manche, la France se remet peu à peu de la crise des Gilets jaunes. Cependant, le gouvernement français n’a pas fondamentalement modifié sa politique et ses stratégies. A contrario, le Brexit a permis de faire émerger un Parti conservateur social, populaire et souverainiste. Avec un dirigeant pragmatique et rusé à sa tête, le nouveau «gouvernement du peuple» (dixit Boris Johnson) s’est donné pour priorité de casser la tendance d’un pays à deux vitesse. Pour que le Président Macron ne gouverne plus contre son peuple ou pour que les oppositions arrivent aux affaires en 2022, il serait temps de tirer certaines conclusions sur ce qu’il se passe outre-Manche au lieu de hurler aux loups…