Une Corée, deux pays
Des soldats nord-coréens face aux soldats sud-coréens à la ligne de démarcation séparant Corée du Nord et Corée du Sud.-Crédit : ED JONES / AFP
Le samedi 24 août 2019, la Corée du Nord effectue de nouveaux tirs de missiles à courte portée finissant leur course en mer du Japon. Ces tirs ont pour objet de protester contre les manœuvres militaires américano-sud-coréennes, considérées par la Corée du Nord comme des provocations à son égard. En effet les deux pays coréens s'affrontent idéologiquement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce conflit étant suivi de près par les États-Unis et la Chine. Une potentielle guerre peut impacter le monde entier. Ce climat de tension sur la péninsule coréenne fait suite à une houleuse histoire et pourrait annoncer un bien sombre futur.
UNE CORÉE, UNE HISTOIRE
La Corée est, au commencement, un pays aux origines lointaines. Dès le VIIème siècle, la Corée est unifiée en un seul pays. Plusieurs royaumes se succèdent sur cette péninsule tels que le royaume de Balhae ou le royaume de Goryeo, tout comme les dynasties avec la dynastie Joseon ou bien encore Chosôn. Ce pays, berceau de nombreux royaumes, dispose de grands liens avec les mondes chinois et japonais, influençant grandement sa culture. Les origines mêmes de la Corée pourraient venir de la Chine antique, le peuple coréen venant des environs de la région chinoise actuelle. Le commerce a toujours créé des relations entre monde coréen et chinois, tout comme la guerre. En effet, les frontières floues de ces pays étaient ponctuellement sujets d'escarmouches et de pillage. En 1637, le royaume chinois vassalise complètement la Corée. Concernant le Japon, le commerce florissait dans la mer du même nom, sillonnée par commerçants coréens et japonais. Mais, le commerce ne venait pas seul et en 1597 une tentative d'invasion nipponne a lieu mais échoue repoussée par la flotte coréenne. Le commerce étant important dans les mers de l'Asie de l'Est, la piraterie suivait. Ainsi, pirates chinois, japonais et coréens sillonnaient les eaux reliant ces pays y faisant régner une insécurité omniprésente. Ces liens entre Corée, Chine et Japon se ressentent tout le long de leurs Histoires.
UNE CORÉE, DES ASSERVISSEMENTS
Comme vu précédemment en 1637, la dynastie mandchoue des Qing conquiert et vassalise la Corée, commençant sa période d'asservissement. Le pays du Matin Calme doit envoyer un tribut quotidien et doit répondre au royaume chinois. Cette période signifie pour la Corée un lent déclin ponctué de crises économiques et humaines. Dès la fin du XIXème siècle, la Corée passe de l'influence chinoise à l'influence japonaise. En 1905, ce pays passe sous protectorat nippon et en 1910 la Corée est complètement annexée par le Japon. La population coréenne est victime de la politique japonaise qui maltraite et utilise le peuple de la péninsule pour servir ses intérêts. Il en ressortira un grand sentiment national anti-japonais. Lors de la Seconde Guerre mondiale, le Japon essaie de tirer un maximum de ressources de Corée mais perd tout de même la guerre en 1945. Russes et Américains, les grands vainqueurs de cette guerre, cherchent à conquérir les terres coréennes chacun avant l'autre. Aucun n'arrive seul à libérer l’entièreté de la péninsule et c'est vers le 38ème parallèle que troupes soviétiques et américaines se rencontrent. C'est le début des deux Corées.
UNE CORÉE, DEUX BLOCS
Chaque géant de ce monde, États-Unis et URSS, sculptent la partie de Corée leur appartenant. Les États-Unis créent un gouvernement nationaliste coréen du Sud alors que l'URSS dessine un gouvernement communiste coréen du Nord. Aucune partie de la Corée ne peut être appelée véritable démocratie. Chaque côté du 38ème parallèle rêve de reprendre l'autre partie coréenne, permettant ainsi une réunification, communiste ou nationaliste cela dépend du point de vue. En 1950, l'un des premiers actes de la Guerre Froide commence : la Corée du Nord soutenue par l'URSS envahit la Corée du Sud soutenue par les États-Unis. C'est une guerre entre Blocs, la Corée du Sud est repoussée jusqu'à ses derniers retranchements mais l'intervention des forces américano-onusiennes sous l'égide du général américain MacArthur balance les forces en présence et fait reculer les forces communistes. La Chine et la Russie réhaussent leur soutien à la Corée du Nord et font revenir le front au 38ème parallèle, l'endroit où la guerre a débuté. En 1953 l'armistice est signé mais la guerre de Corée ne prendra fin officiellement qu'en 2007, moment où les deux présidents de la Corée signent officiellement l'accord de paix. La guerre aura coûté environ 3 millions d'hommes pour aucun avantage particulier de chaque côté. Le reste de la Guerre Froide verra les deux Corée se regarder en chiens de faïence, se préparant à de possibles combats et s'équipant de bases américaines et soviétiques. Des campagnes de propagande monteront les peuples coréens l'un contre l'autre, les deux Blocs de la Guerre Froide essayant de faire du peuple coréen deux peuples distincts. Lors de la fin de la Guerre Froide, les emprises soviétique et américaine se détendent mais les deux pays ne changent pas de politique et continuent de se préparer à une possible guerre de réunification.
UNE CORÉE, UNE GUERRE OU UN RAPPROCHEMENT
Depuis la guerre de Corée, les gouvernements et dirigeants se sont succèdés sur cette péninsule. Différentes politiques ont eu lieu, crise militaire ou apaisement diplomatique de multiples événements se sont effectués pour tenter de réunifier ces deux pays. Et si la politique majeure de la Corée du Sud passe par un apaisement diplomatique, la Corée du Nord ne laisse pas réellement entrevoir ses intentions en convenant de politiques d'apaisement tout en n'hésitant pas à montrer sa puissance de frappe ou bien à laisser planer l'idée d'une invasion (ou libération) du sud de la péninsule coréenne.
Grosse avancée diplomatique d'après-guerre, les deux Corée sont acceptées conjointement à l'ONU en 1991, reconnaissant officiellement les deux pays. Mais, après la guerre de Corée, le plus gros événement diplomatique ayant eu lieu n'est autre que la visite de la capitale de la Corée du Nord, Pyongyang, par le président sud-coréen Kim Dae-Jung. Cette visite se fait suivre par l'adoption conjointe par les gouvernements des deux pays de la déclaration commune du 15 juin 2000, pierre angulaire des relations inter-coréennes, cette déclaration annonce à terme la création d'une confédération entre les deux Corée. Le processus de détente continue et se manifeste par des délégations communes aux Jeux Olympiques de 2000 et 2004, et le second sommet inter-coréen d'octobre 2007, donnant naissance à un document commun prônant la paix et la prospérité économique coréenne. Mais, le plus gros fruit de la politique de détente n'est autre que la création d'une zone économique spéciale en Corée du Nord où entreprises sud-coréennes n'emploient pas moins de 50 000 nord-coréens. La zone industrielle de Kaesong est totalement opérationnelle depuis 2004 et permet aux économies coréennes de fonctionner en partie ensemble. Des suites de la détérioration des relations entre Corée, la zone est contrainte de fermer en 2008, symbolisant un échec diplomatique retentissant.
Dernièrement, une tendance à la détente revient notamment grâce à la médiation des États-Unis d'Amérique. Avril 2018 a vu le troisième sommet inter-coréen se tenir entre les présidents Kim Jong-Un et Moon Jae-In. Ces derniers décident d'écrire la déclaration de Panmunjeom, affirmant la volonté de dénucléariser la péninsule coréenne et de vouloir mettre fin aux hostilités actuelles. Juste après en juin 2018, la première rencontre entre président américain et nord-coréen s'effectue à Singapour amorçant une reprise des relations diplomatiques entre États-Unis et Corée du Nord. Une deuxième rencontre s'effectue en février 2019 à Hanoï et continuant le processus de détente. Dernière rencontre en date : le président Donald Trump rencontre son homologue Kim Jong-Un en Corée du Nord même le 30 juin 2019. Cette visite symbolique a pour objet la discussion concernant l'arme nucléaire nord-coréenne. La politique de la diplomatie fonctionne mais n'est pas la seule façon que les pays Coréens trouvent pour communiquer.
En effet les relations inter-coréennes ne se sont pas distinguées seulement par leur diplomatie mais aussi par une série d'attaques, d'escarmouches et d'attentats rappelant que le militaire remplace bien souvent le diplomate. Dès la fin de la guerre de Corée, les deux pays coréens désirant réunir la péninsule en un seul territoire, de nombreuses actions militaires ont été effectuées. La Corée du Nord tente maintes fois de multiples attaques comme celle du 21 janvier 1968 sur la résidence présidentielle de Séoul, ou en octobre de la même année sur la côte sud-coréenne mais encore de multiples incidents de frontière durant toutes les années jusqu'à aujourd'hui. Le régime communiste utilisait les attentats pour essayer de maintenir un climat de terreur en Corée du Sud. Le 9 novembre 1983 un attentat à Rangoon vise le président sud-coréen. En novembre 1987, un avion sud-coréen explose du fait d'une bombe cachée nord-coréenne et en 2010 un attentat visant un ancien responsable de Corée du Nord est empêché à temps. Mais ces actions sont aussi accompagnées de combats pour des territoires contestés comme sur l'île de Yeonpyeong ou dans les zones maritimes contestées ; de multiples accrochages entre navires militaires ont lieu pouvant mener à d'importantes pertes humaines.
Depuis les années 2000, une nouvelle politique nord-coréenne s'effectue. Il n'est plus question d'attaques directes mais de manifestation de force de frappe. En effet, de multiples tirs de missiles ont lieu ayant comme objectifs de montrer la puissance balistique nord-coréenne mais aussi d'effectuer des recherches permettant de posséder l'arme atomique, cette arme permettant de montrer au monde entier la puissance militaire nord-coréenne tout en se protégeant d'une éventuelle attaque. Le premier essai nucléaire s'effectue le 9 octobre 2006 et le dernier le 3 septembre 2017. C'est du fait de la volonté américaine, sud-coréenne et onusienne que la Corée du Nord a dû cesser ses essais sous peine de violentes sanctions économiques.
La Corée du Sud dispose, elle, dans son éventail militaire de la puissance américaine comme garantie de protection et de la possibilité de mener des exercices militaires américano-coréens pour s'affirmer. La Corée du Nord désapprouve ces exercices et répond en continuant ses tirs de missiles, le dernier en date ayant eu lieu le 24 août 2019.
Les deux Corées sont donc partagées. La poursuite de la manifestation de la puissance militaire sert surtout de tentative de protection de la souveraineté nationale. Une guerre étant possible, du fait des alliés de chaque côté, elle serait préjudiciable aux deux Corées peu importe le vainqueur. Le seul futur possible viable donc viendrait par un processus de détente accru. États-Unis, Russie et Chine (alliés de la Corée du Nord) font office de médiateurs et espèrent réchauffer les relations diplomatiques entre Corées, permettant à la Corée du Nord de sortir des sanctions internationales et d'une possible crise économique ; et permettant à la Corée du Sud d'échapper à la menace d'une possible invasion nord-coréenne. Ce processus de détente permettrait ainsi à terme de rapprocher les deux pays Coréens, et de ne faire qu'un pays, qu'une Corée pour un peuple et une péninsule.
Sources :
https://www.franceculture.fr/histoire/la-coree-du-nord-au-sud-pourquoi-deux-corees
https://www.revue-pouvoirs.fr/-167-Les-deux-Corees-359-.html
https://www.youtube.com/watch?v=nlaeVeUtbgg